« CupHead » est inspiré de dessins animés. / Studio MDHR

Maja Moldenhauer est productrice et artiste sur Cuphead, jeu indépendant soutenu par Microsoft, qui sortira le 29 septembre sur Xbox One. Très remarqué pour sa direction artistique étonnante, inspirée des dessins animés des années 1930, le jeu a aussi récemment été au cœur d’une polémique liée à sa difficulté.

Quelle a été l’idée à l’origine du jeu ?

Les deux créateurs de Cuphead sont frères. Et ils ont grandi en jouant à des jeux, de la fin des années 1980 et du début des années 1990, comme Megaman, Street Fighter II, Contra III, Contra : Hard Corps… Ils ont toujours eu dans un coin de la tête l’idée que si jamais ils réussissaient à accomplir leur rêve de faire un jeu vidéo, ils voudraient faire un jeu exactement comme ça.

Donc je dirais que le gameplay est venu d’abord, et quand on a commencé à réfléchir à ce à quoi devrait ressembler le jeu. On s’est dit : « OK, la technologie est là, on va faire de l’animation numérique, on va s’inspirer de dessins animés modernes ». Mais ça ne marchait pas. On a abandonné très tôt cette idée, on a repris les choses de zéro. On s’est demandé quel genre de dessin animé on aimait, avec quel genre on est le plus à l’aise. On a alors pensé aux cartoons américains des années 1930 qu’on regardait enfants sur VHS. On a essayé, et ce coup-ci ça marchait, et on est partis de là.

Ces cartoons peuvent paraître un peu naïfs au premier abord, mais sont souvent en fait assez sombres, assez bizarres, et sont même parfois choquants. Sans aller jusque-là, est-ce que vous y voyez un parallèle avec « Cuphead », qui paraît enfantin mais cache un jeu très difficile ?

Oui, les cartoons du début des années 1930 datent d’une époque où il n’y avait pas encore de classement par âge. Je crois que c’est ce qu’on appelle les dessins animés d’avant le « code Hays », avant que la loi américaine ne commence à dire « vous ne pouvez pas faire des dessins animés à destination des enfants tout en continuant à représenter de la violence ». C’est vraiment la première fois, en 1934, qu’on a vu apparaître des restrictions sur les films à destination du jeune public.

On aime beaucoup les cartoons de cette époque, mais les seules choses dont nous nous sommes inspirés, c’est de leur esthétique, qui nous permet d’être créatifs sans contrainte. A l’époque les personnages se transformaient, allongeaient leurs bras à l’infini… C’est ce qui nous a plu.

CUPHEAD GAMEPLAY: Co-op, Platforming, and More! - Pat and Simone
Durée : 08:45

Comment avez-vous vécu la polémique Dean Takahashi [journaliste américain qui a fait l’objet d’un déchaînement de violence verbale après avoir posté une vidéo de “Cuphead” dans laquelle on le voit progresser très laborieusement] ?

A propos de « l’affaire Dean Takahashi », nous avons une position très claire. Nous n’avons aucune sympathie pour le harcèlement en ligne, quel qu’il soit. Je pense, et toute la société pense, que la façon dont cela s’est produit, et les conséquences qu’il a dû supporter ne sont acceptables d’aucune façon. Et je me fiche que des gens soient venus soutenir la qualité de notre gameplay, ce n’est pas le genre de publicité que nous recherchons, si cela veut dire que quelqu’un va faire l’objet de commentaires négatifs, qu’il va être rabaissé… Je crois qu’il a même reçu des menaces de mort. C’est inacceptable.

J’ai eu le privilège de rencontrer et de connaître Dean Takahashi à la Gamescom [le salon du jeu vidéo de Cologne], et c’est une personne merveilleuse, c’est un expert du jeu vidéo sur de nombreux sujets et je ne pense pas qu’il mérite ce qui lui est arrivé.

Est-ce que ces événements vous ont poussés à revoir votre copie, à ajuster des choses ? Ou est-ce que le développement était déjà terminé ?

Le développement était terminé. Mais vous savez, même si cela n’avait pas été le cas, nous n’aurions pas fait de réglages, nous n’aurions rien changé. Je pense que voir les gens galérer – et Dean n’a pas été le seul – cela fait partie du jeu. C’est un jeu difficile, qui a été pensé de la sorte, la courbe d’apprentissage est raide et je pense que les gens sont confrontés à cette courbe à différents moments. Qu’il s’agisse de maîtriser l’usage de plusieurs compétences en simultané, comme le double saut, ou le saut + dash, et la capacité de faire des parades…

Je pense que Dean, et de nombreuses autres personnes, a juste eu un problème avec les plates-formes. Il faut vraiment maîtriser les mécaniques, et chacun pourra avoir des difficultés, à un moment ou à un autre, en fonction de ses capacités. Mais nous sommes contents du jeu tel qu’il est, nous sommes contents du challenge qu’il pose, on pense que c’est justement pour cela que c’est un jeu gratifiant.