Hubert Fayard (à droite), autoproclamé « représentant officiel » de la « République populaire de Donetsk », avec Jacques Clostermann (à gauche), « citoyen d’honneur ». / BERTRAND LANGLOIS / AFP

Après la République tchèque, la Finlande, l’Italie et la Grèce, la France est le cinquième pays européen à se doter d’une « représentation officielle » de la « République populaire de Donetsk », sise au 180, avenue du Prado, à Marseille. Les guillemets à répétition sont de rigueur : hormis l’Ossétie du Sud, région sécessionniste de la Géorgie, aucun Etat ne reconnaît la République populaire, pas plus que sa voisine de Louhansk ; quant à la « représentation officielle », elle est une simple association de loi 1901, enregistrée au Journal officiel au mois de juin.

Malgré le suspense savamment entretenu par le tout nouveau « représentant officiel », Hubert Fayard, aucun diplomate n’avait donc fait le déplacement pour l’inauguration de la représentation, lundi 25 septembre dans un salon de l’hôtel Novotel de l’avenue du Prado, à quelques minutes à pied de son siège, en réalité un simple bureau en location partagée. Pas même le consul russe, annoncé jusqu’au bout. Après avoir poussé à leur émergence, laquelle allait provoquer un conflit armé, Moscou se contente d’utiliser les deux entités séparatistes comme simple levier de pression contre Kiev.

Présents, en revanche, parmi la cinquantaine de curieux et de membres d’associations franco-russes, plusieurs élus locaux, dont Alexandre Schilling et Philippe Franceschetti, adjoints Les Républicains au maire des 6e et 8e arrondissements. Le premier, qui confiait avant les festivités ne venir qu’« en voisin » et par « courtoisie républicaine », n’en allait pas moins participer à un très symbolique couper de ruban, point d’orgue d’une cérémonie à la pompe légèrement balbutiante, illustrée par la difficulté du représentant officiel à prononcer le nom de « son » président, le chef séparatiste Alexandre Zakhartchenko.

Un ancien frontiste, qui veut « réinformer » sur le Donbass

Ledit représentant est un revenant de la scène d’extrême droite des Bouches-du-Rhône. Hubert Fayard, ancien frontiste devenu le premier adjoint de Catherine Mégret à Vitrolles, est aujourd’hui encarté chez Debout la France. Connaisseur de longue date de l’Europe orientale – il a notamment ouvert une agence de rencontres de femmes russes –, M. Fayard s’est rendu en juin à Donetsk, en compagnie d’une élue Debout la France, Christine Pujol, et d’un élu LR, Christian Borelli. Le groupe avait alors expliqué, un peu imprudemment, vouloir « soutenir l’armée russe bombardée en permanence par l’Ukraine ». Laquelle armée russe étant supposément absente du Donbass…

Sa rencontre avec la « ministre des affaires étrangères » de la République populaire l’aurait alors convaincu de « faire quelque chose pour aider ». « Il y a tout de même une République qui existe, et Donetsk est mieux entretenue et plus propre que beaucoup de villes françaises, faisait-il valoir au Monde avant la cérémonie. Il faut donc faire de la politique, et pas tomber dans les jeux de la Gestapo ukrainienne. »

« Fenêtre » du Donbass sur la France, la représentation officielle entend aussi être un lieu de « réinformation face au blocus médiatique », a expliqué lundi M. Fayard, qui dit aussi travailler à un projet d’échanges universitaires avec Donetsk. Les financements de la représentation, modiques assure-t-il, viendraient uniquement de particuliers, citoyens français. Et tant pis si les appels à contribution, sur son site Internet, indiquant un numéro de compte d’une banque lettone condamnée en France pour fraude fiscale et blanchiment, suscitent des questions sur la transparence de la structure.

Hubert Fayard, secondé de Jacques Clostermann, un autre ancien du Front national, aura-t-il l’opportunité de mener à bien ces ambitieux projets ? Rappelant qu’il n’accordait « aucune reconnaissance officielle » à la représentation, le ministère français des affaires étrangères indiquait en fin de semaine passée « estimer que l’objet de l’association est illicite » et avoir « transmis des éléments au procureur de la République ».