Bernard Laporte, à Paris, le 7 septembre 2017. / BENJAMIN CREMEL / AFP

Si la République cherche une nouvelle grande cause nationale, Bernard Laporte est sans doute prêt à lui en livrer une. L’ancien secrétaire d’Etat aux sports sous le gouvernement Fillon préside aujourd’hui la Fédération française de rugby (FFR), et il réclame l’unité autour d’un projet rugbystique d’envergure : que le pays obtienne l’organisation de la Coupe du monde 2023.

Le dirigeant présentera la candidature française dans un grand oral destiné aux futurs électeurs de World Rugby, lundi 25 septembre au matin (à partir de 9 h 30), au Royal Garden Hotel de Londres, deux mois avant que ces membres de la Fédération internationale ne choisissent entre la France, l’Afrique du Sud ou l’Irlande.

Ce dossier revêt un intérêt particulier pour le président Laporte : demander un consensus national au nom de l’intérêt supérieur du rugby tricolore, alors même que le ministère des sports a ouvert une enquête interne sur son cas personnel pour des soupçons de favoritisme dans le championnat de France.

Depuis août, M. Laporte fait face aux révélations du JDD et de L’Equipe : en juin, six mois à peine après son élection, le tout nouveau président aurait recommandé à la commission d’appel fédérale de réduire des sanctions prises en première instance envers le Montpellier Hérault Rugby. Or, il se trouve que « Bernie » avait déjà signé auparavant un contrat personnel d’image avec l’entreprise de Mohed Altrad, patron d’une firme spécialisée dans le bâtiment et président du club montpelliérain.

M. Laporte nie tout favoritisme, mais il a désormais renoncé à ce contrat individuel passé en février et révélé en août. Il aurait dû lui rapporter 150 000 euros en échange d’au moins quatre conférences dans l’entreprise. Signé en mars, le contrat collectif de la FFR avec Mohed Altrad existe toujours, cependant : le logo du groupe est inscrit sur le maillot de l’équipe de France et l’entrepreneur reste le sponsor principal de la candidature France 2023 pour la Coupe du monde.

« Elite journalistique parisienne »

La candidature française est « mise en péril » dans ce contexte, a concédé Bernard Laporte à l’Agence France-Presse, samedi 23 septembre. Le danger ne viendrait pas des contrats en eux-mêmes, à l’écouter, mais plutôt des journalistes qui ont eu le tort de s’en faire l’écho. « Une certaine élite journalistique parisienne » faite, selon lui, d’individus « qui s’improvisent procureur général sur la place publique ». Sans citer de noms, M. Laporte parle de « cabale » contre lui.

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En apparence, M. Laporte a encore le soutien des clubs amateurs, sur lesquels il avait bâti son élection : samedi, l’assemblée générale extraordinaire de la FFR a validé à 83 % ses projets de réforme. Entre autres : la mise en place d’un vote électronique décentralisé pour les prochaines élections fédérales, la création de quatorze ligues régionales pour s’adapter à la réforme territoriale et la limitation à deux mandats pour tout président de la fédération.

Moins d’un an après son élection, M. Laporte se dit « déterminé » à aller au bout de ses quatre années de présidence. Les déclarations de Laura Flessel, soucieuse d’« une certaine éthique », ont pourtant entretenu un trouble : la candidature française pour la Coupe du monde 2023 « se fera avec ou sans Bernard Laporte », déclarait la ministre des sports, le 29 août, sur BFM-Sports.

Formellement, la ministre n’est pas en mesure de le faire démissionner. Mais les futurs résultats de l’enquête administrative sur M. Laporte pourraient apporter du nouveau et le contraindre à prendre une décision. Les deux enquêteurs de l’inspection générale de la jeunesse et des sports ont commencé à travailler au début de septembre. Leur date de rendu est encore inconnue.

Sans Emmanuel Macron et Edouard Philippe

Ce lundi matin, Laura Flessel sera du voyage à Londres pour défendre le dossier « France 2023 » auprès des membres de World Rugby. Mais pas le président de la République, Emmanuel Macron, ni le premier ministre, Edouard Philippe : les deux têtes de l’exécutif ont déclaré forfait.

Le chef de l’Etat n’apparaîtra même pas sous forme de petite vidéo, malgré les 171 millions d’euros de garanties financières venant du gouvernement. Son absence « ne remet absolument pas en cause le soutien du gouvernement à la candidature française », assure, dans L’Equipe, l’entourage élyséen.

La situation contraste avec celle de juillet : M. Macron avait alors fait le déplacement à Lausanne pour promouvoir la campagne de Paris pour les Jeux 2024, auprès du Comité international olympique.

Sur le plan sportif, un désistement est également à relever. Celui de Dan Carter, l’ouvreur du Racing. La vedette néozélandaise du championnat de France était annoncée pour jouer les ambassadeurs de prestige lors du grand oral. « Bonne chance aux trois candidatures mais Paris, pour un triplé des All Blacks, me semble idéal », s’est contenté d’écrire en anglais, sur son compte Twitter, le double champion du monde .

Le 7 septembre, un courriel invitait la presse « à partager les valeurs de #FRANCE2023 » lors d’une soirée de soutien à la candidature de la « fédé ». La soirée s’est tenue sur la terrasse de l’immeuble de Vivendi, l’un des (autres) sponsors de la FFR, dans le 8e arrondissement de Paris. Soirée prévue de longue date et antérieure aux révélations estivales de la presse, assure l’agence de communication Majorelle, dont la responsable, Anne Hommel, est déjà allée au secours du président gabonais Ali Bongo, de l’ancien ministre Jérôme Cahuzac ou de Dominique Strauss-Kahn.