« Internet n’a pas besoin – et ne veut pas – de tweets plus longs ». Ce titre péremptoire est signé du prestigieux magazine Wired, incontournable observateur de la Silicon Valley. Sur Twitter, les internautes semblent lui donner raison. Quand le réseau social a annoncé, mardi 26 septembre, qu’il testait auprès de certains utilisateurs les tweets à 280 caractères – le double des 140 actuels –, les messages ont aussitôt défilé avec le mot-clé #280characters, la plupart pour critiquer cette annonce, avec plus ou moins d’humour.

Perte d’identité

L’un des arguments qui revient le plus souvent est l’un de ceux que partage Wired : « Twitter n’est pas juste en train de tester une nouvelle fonctionnalité ; l’entreprise est carrément en train d’altérer l’une des dernières règles pures et durables de la culture Web ».

Passer à 280 caractères serait un choix révolutionnaire pour Twitter, dont les 140 signes sont le principe même depuis sa création, en 2006. Plusieurs internautes craignent qu’en modifiant cette règle, le réseau social perde de son identité, en ressemblant de plus en plus à Facebook. Ces dernières années, les deux réseaux sociaux se sont tous deux emprunté des idées : Facebook a, par exemple, importé les mots-dièse et Twitter affiche désormais un aperçu des liens, entre autres imitations.

D’autres soulignent que d’autres possibilités existaient déjà pour s’exprimer plus longuement avec le réseau social, certains utilisateurs étant devenus des spécialistes pour raconter des histoires en plusieurs dizaines de tweets. Twitter avait d’ailleurs ajouté une fonctionnalité permettant de lier ces tweets les uns aux autres, afin qu’ils soient lisibles facilement à la suite. Un argument qui a inspiré une boutade au journaliste du New York Times James Poniewozik. « La limite de 280 caractères est une très mauvaise idée. Toute la beauté de Twitter est qu’il vous force à exprimer vos idées de façon concise (1/47) », a-t-il écrit mardi sur le réseau social.

Enfin, certains ont regretté que Twitter ne traite pas en priorité des sujets qu’ils estiment plus urgents. Comme cette internaute qui écrit :

« Twitter : qu’est-ce que vous voulez ?
— Tout le monde : débarassez-vous des nazis et améliorez le système de signalement
— Twitter : j’ai bien entendu 280 caractères ? »

Des années de rumeurs toujours démenties

A l’inverse, d’autres internautes, moins nombreux, ont accueilli favorablement ce test. Car il ne s’agit pour l’instant que d’un test, limité à certains utilisateurs. « Nous voulons l’essayer avec un petit groupe de personnes avant de prendre la décision de le déployer chez tout le monde », peut-on lire sur le site de Twitter. L’entreprise annonce toutefois avoir « confiance » dans « l’impact positif de ce changement ».

Elle a conscience de marcher sur des œufs avec ce sujet très délicat. Car ce n’est pas la première fois que la question de l’allongement des tweets est soulevée, et elle génère régulièrement l’ire des utilisateurs.

A l’époque de sa création, les cofondateurs de Twitter s’étaient inspirés du format du SMS, en plein boom à l’époque, pour concevoir leur service. Les textos étaient alors limités à 160 signes, ce qu’avait voulu imiter Twitter en intégrant aussi le nom d’utilisateur. Mais les deux créateurs de réseau social, Biz Stone (@biz) et Jack Dorsey (@jack), ont tout de suite remarqué que l’un était défavorisé d’une lettre par rapport à l’autre, à cause d’un nom d’utilisateur plus long. Ils ont donc décidé de limiter les tweets à 140 signes, hors nom d’utilisateur – une anecdote rappelée mardi par Biz Stone… en 280 signes.

Depuis Twitter se débat avec cette contrainte et tente sans cesse de fournir plus d’espace d’expression à ses utilisateurs, sans pour autant modifier sa règle initiale, malgré les rumeurs persistantes. En 2011, Twitter a par exemple intégré un raccourcisseur automatique de liens. Un an plus tard, été ajouté l’affichage d’un aperçu du contenu des liens, permettant d’en dire plus sans davantage de caractères. En 2015, les messages privés, jusqu’ici traités comme des tweets comme les autres, passaient à une limite de 10 000 caractères, relançant les spéculations sur l’allongement des tweets, toujours démenties par l’entreprise. L’an dernier, Twitter avait encore assoupli ses règles, en cessant de compter les photos et les noms d’utilisateurs.