Le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 26 septembre. / STEPHANE MAHE / REUTERS

La future loi des finances sonne la fin de la diète budgétaire pour l’environnement. Après plusieurs années de baisse, le budget du ministère de la transition écologique et solidaire est revu à la hausse, passant de 9,9 milliards d’euros en 2017 à 10,4 milliards pour 2018 (+ 3,9 %), au titre de la mission « écologie, développement et mobilités durables », selon le projet de loi présenté en conseil des ministres mercredi 27 septembre. Il voit en revanche ses effectifs revus à la baisse, avec une perte de 1 274 emplois d’Etat et d’opérateurs, conformément à la demande d’Emmanuel Macron de réduire les personnels.

Avec ce nouveau budget, le gouvernement veut « accélérer » la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. Les objectifs restent ceux annoncés dans le plan climat présenté par Nicolas Hulot le 6 juillet. Il s’agit de diviser par deux le nombre de logements qui sont des « passoires thermiques », de remplacer 500 000 véhicules polluants, de développer les transports durables et d’augmenter de 70 % la production des énergies renouvelables, le tout d’ici à la fin du quinquennat. Les trajectoires et surtout les moyens financiers en sont détaillés.

A ce titre, le soutien à l’éolien, au solaire, à la géothermie et à la biomasse, qui s’élevait à 5,7 milliards d’euros en 2017, passera à 5,5 milliards en 2018 – compte tenu de la baisse du coût de l’énergie cette année –, avant d’être progressivement augmenté pour atteindre 6,5 milliards en 2020.

Conversion des véhicules les plus polluants

Dans un effort de « solidarité », le budget généralise également, à partir de 2018, le « chèque énergie » expérimenté cette année pour aider les ménages les plus modestes en situation de précarité énergétique. Il bénéficiera à 4 millions de foyers en 2018, avec un montant annuel de 150 euros, qui sera ensuite revalorisé à 200 euros en 2019.

« C’est un bon signe que ce chèque soit confirmé, mais il reste totalement insuffisant quand on sait que les ménages dépensent en moyenne 1 700 euros par an pour se chauffer. Nous demandions une aide de 600 euros, rappelle Anne Bringault, en charge des questions de transition énergétique à l’association Réseau action climat et au CLER-Réseau pour la transition énergétique. Par ailleurs, le rythme prévu de rénovation de 75 000 logements par an est trop lent, alors que l’on compte 2,5 millions de passoires thermiques. »

La prime à la conversion des véhicules les plus polluants va être étendue : elle sera accordée à l’ensemble des Français (à hauteur de 1 000 euros) et sera doublée pour les ménages non imposables (de 1 000 à 2 000 euros). Ils pourront ainsi mettre au rebut les véhicules diesel les plus anciens (immatriculés avant 2001) mais aussi, dorénavant, ceux à essence (avant 1997) pour les remplacer par un autre plus propre, neuf ou même d’occasion – à condition d’émettre moins de 130 grammes de CO2 par km. Jusqu’à présent, seul l’achat de voitures neuves bénéficiait d’un coup de pouce.

Autre innovation, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) sera transformé en prime en 2019, « au moins pour les ménages aux revenus les plus modestes ». Cette dernière sera conditionnée à la réalisation de travaux « les plus efficaces en économie d’énergie », à savoir l’isolation des combles, des murs ou l’installation d’une chaudière fonctionnant aux énergies renouvelables. L’installation de nouvelles fenêtres, portes d’entrée et volets isolants ne sera plus éligible à l’aide, « le coût des travaux était disproportionné par rapport à l’efficacité de la mesure », assure le ministère. La prime sera versée dès la fin des travaux, et non plus l’année suivante « pour éviter aux ménages d’avancer les fonds ».

Favoriser la fiscalité verte

Le budget réaffirme la priorité donnée par le gouvernement aux transports du quotidien au détriment des grands projets d’infrastructures, qui devront faire une « pause ». A l’issue des Assises de la mobilité, lancées le 19 septembre, une loi d’orientation des mobilités sera présentée au Parlement au premier semestre 2018. Pour lutter contre la pollution de l’air, qui provoque 48 000 morts prématurées en France chaque année, un fonds « air-mobilité » de 20 millions d’euros sera créé l’an prochain au sein de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Le gouvernement veut également favoriser la fiscalité verte, « qui constitue un instrument puissant de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ». La taxe carbone sera progressivement rehaussée pour atteindre 86,2 milliards d’euros en 2022, contre 64,8 milliards initialement prévus par la loi de transition énergétique. Le rapprochement de la fiscalité du diesel et de l’essence sera également confirmé, au rythme de plus 2,6 centimes par litre de gazole chaque année sur quatre ans.

Enfin, le budget rallonge légèrement les enveloppes allouées à la préservation des espèces et des espaces protégés, à la santé environnementale (perturbateurs endocriniens, pollution de l’air, etc.), ainsi qu’au développement de l’économie circulaire.

L’ensemble de ces mesures seront financées par les 20 milliards consacrés à la transition écologique issus du vaste plan d’investissement de 57 milliards d’euros du gouvernement. Dans le détail, 9 milliards viseront la rénovation thermique des bâtiments, 7 les énergies renouvelables et l’innovation et 4 un système de transport « durable ».

Ponction des agences de l’eau

Le ministère veut profiter de cette hausse générale de l’enveloppe pour assainir ses finances. L’Ademe se verra ainsi dotée de 200 millions d’euros supplémentaires de crédits de paiement – même si elle doit par ailleurs réduire ses dépenses – afin d’être en mesure de « payer les actions et les programmes déjà lancés et éviter les problèmes de trésorerie qu’elle a pu connaître cette année ». L’Etat souhaite également rembourser la dette qu’il a, depuis de nombreuses années, vis-à-vis d’EDF en matière d’énergies renouvelables. En 2018, 1,6 milliard d’euros sera ainsi versé sur un total de 4,6 milliards dus.

En revanche, les agences de l’eau seront davantage mises à contribution, notamment pour financer l’Agence française pour la biodiversité, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et les parcs nationaux. Au total, l’addition s’élèvera à 300 millions d’euros, soit 15 % du budget annuel des agences de l’eau. De quoi susciter l’inquiétude des professionnels. « Si l’eau ne paie plus seulement l’eau, c’est tout l’équilibre d’un système efficient qui s’effondre, à l’heure où il est indispensable de mener une gestion durable et patrimoniale des réseaux d’eau et d’assainissement en France », s’alarme, dans un communiqué, l’organisation des Canalisateurs de France, qui fédère les entreprises de pose et de réhabilitation des réseaux d’eau et d’assainissement. Le Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU) appelle pour sa part les personnels des agences de l’eau à se mettre en grève le 28 septembre.