Trajectoire des tempêtes tropicales en 2017. / Météo France d'après NHC

Katia, Irma et José, l’image satellite a saisi les trois spirales des ouragans presque alignés à proximité des Antilles, le 8 septembre. Elle est exceptionnelle, comme l’est 2017, année de bien des records aux conséquences dévastatrices. Et la saison cyclonique n’est pas terminée dans l’Atlantique Nord, car même si le pic d’activité s’établit statistiquement au 10 septembre, celle-ci court généralement de juin à novembre.

« Les conditions restent favorables à la formation d’ouragans, mais ils ne devraient pas concerner les Antilles dans les deux prochaines semaines, Cuba, la Jamaïque, le Mexique et l’Amérique centrale paraissent plus exposées, prévient Etienne Kapikian, prévisionniste de Météo France. C’est dans cette zone que l’eau reste chaude le plus tard à l’automne. »

Maria, redevenue une simple tempête tropicale, devait souffler mercredi 27 septembre sur les côtes de Caroline du Nord, où l’on redoutait l’érosion accrue de plages. Puis elle devrait retraverser l’Atlantique en sens inverse dans les prochains jours, tout comme Lee – le dernier ouragan en date (de catégorie 2) –, pour se diriger vers le continent européen.

13 tempêtes tropicales, 8 ouragans

Au 24 septembre, 13 tempêtes tropicales s’étaient succédé dans l’Atlantique Nord alors qu’une saison « standard » en compte 12 (12,1 précisément depuis 1981), ainsi que 8 ouragans (la moyenne annuelle est de 6,4). Avec Harvey, ce sont quatre événements majeurs qui ont atteint le classement en catégorie 4 ou 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, autrement dit se sont manifestés par des vents moyens d’au moins 209 kilomètres à l’heure, suscitant énormément de dégâts.

« Septembre 2017 établit un nouveau record de cumul mensuel d’énergie cyclonique dans l’Atlantique, battant septembre 2004, en raison notamment de la durée des épisodes, note Etienne Kapikian. L’ouragan Irma en particulier est resté en catégorie 5 pendant trois jours et six heures, avec des vents qui ont soufflé à 295 km/h en moyenne pendant trente-sept heures – c’est un record mondial – et des rafales estimées à 350 km/h ! Il bat le typhon Haiyan dans le Pacifique, qui avait sévi pendant vingt-quatre heures en 2013, dévastant les Philippines. »

Si les météorologues considèrent l’année 2017 comme tout à fait exceptionnelle pour l’arc antillais, c’est non seulement pour la puissance des vents, la durée des épisodes cycloniques, mais aussi pour la vitesse à laquelle un ouragan comme Maria s’est brusquement intensifié, surprenant les prévisions du Centre national des ouragans américain (NHC). Ses experts avaient bien prévu sa trajectoire à quelques dizaines de kilomètres près, mais pas qu’il allait passer de catégorie 1 à 5 en moins de dix-huit heures.

Les ouragans au moment où ils se renforcent en catégorie 5 / Météo France

Quant à l’ouragan Irma, il est le plus puissant jamais mesuré sur l’Atlantique hors de la mer des Caraïbes, où se forment des phénomènes encore plus extrêmes. Il est en tout cas « le premier de l’histoire moderne » de catégorie 5 à avoir balayé les petites Antilles. Il figure parmi les cinq plus puissants du monde si l’on tient compte de leur force au moment où ils ont touché terre. Comme Maria. L’île de la Dominique n’avait jamais connu de cyclone aussi fort que ce dernier. Et à Porto Rico, Maria constitue le deuxième épisode le plus grave – le précédent remonte à 1928.

Effet du changement climatique ?

Tous les cinq jours, une onde part de l’Est de l’Afrique et s’apprête à traverser de l’océan. Mais toutes ne terminent en une dépression tropicale à cœur chaud susceptible de devenir un cyclone. Pour cela, plusieurs facteurs favorables sont nécessaires. Le tourbillon initial doit notamment être à l’abri des cisaillements atmosphériques. Les eaux chaudes fréquemment observées ces dernières années comptent pour beaucoup, mais il ne suffit pas que la surface atteigne au moins 26 °C comme il est souvent évoqué ; il faut un différentiel important entre la troposphère et la température des 60 premiers mètres de l’océan, pour que la tempête tropicale se charge en humidité et en énergie.

Peut-on imputer au changement climatique l’enchaînement exceptionnel de septembre ? Fabrice Chauvin, chercheur CNRS au Centre national de recherches météorologiques, se garde de franchir le pas. « Nos courbes indiquent une forte augmentation du nombre d’épisodes cycloniques depuis 1850, mais nous ne disposons de données robustes recueillies par satellite que depuis 1966, auparavant tous n’étaient pas répertoriés », tempère-t-il.

Ces relevés, pourtant, indiquent bel et bien une augmentation nette depuis les années 1990. Comment l’expliquer ? « Nous corrélons ce phénomène à l’oscillation Atlantique liée à la circulation des courants au sein de l’océan, explique Fabrice Chauvin. Celle-ci produit une alternance de cycles de vingt-cinq ou trente ans d’eaux anormalement froides puis chaudes. Dans dix ou vingt ans, nous aurons un cycle décennal supplémentaire qui devrait nous permettre de détecter des tendances. » Le changement climatique semble en revanche se traduire par un décalage des courants vers le nord. « C’est une hypothèse de recherche », note le chercheur.

Les modèles du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui, eux, ne se livrent pas à des analyses météorologiques, mais simulent les évolutions possibles du climat en fonction de l’activité des volcans, des aérosols, de la concentration de CO2…, s’avancent un peu plus. Ils envisagent la réduction du nombre de cyclones d’ici la fin du siècle, mais avec davantage d’épisodes de catégories 4 et 5 et de pluies diluviennes.