Des salariés de Take Eat Easy en juin 2016. / Nakama Lib/(CC BY-NC-ND 2.0)

Les prud’hommes de Paris se sont déclarés, mercredi 27 septembre, incompétents pour juger les recours de neuf anciens coursiers de la plate-forme de livraison de repas Take Eat Easy (TEE), aujourd’hui en faillite. Le tribunal a donné raison aux avocats du mandataire judiciaire de la start-up belge, liquidée en août 2016, et de l’AGS (régime de garantie des salaires), aux dépens des anciens livreurs.

Enregistrés à l’époque comme autoentrepeneurs, les neuf coursiers espéraient faire reconnaître un lien de salariat avec l’ex-application de livraison de repas à vélo. Affirmant qu’il s’agissait de salariat « déguisé », les livreurs dénonçaient un « détournement » de statut, qui les a privé d’indemnités de licenciement et d’allocations-chômage. Les neuf réclamaient ainsi chacun 13 000 euros de dommages et intérêts pour « rupture abusive » du contrat et « travail dissimulé », ainsi que plusieurs milliers d’euros au titre de rappels de salaire et congés payés.

« Totale liberté d’organiser leur travail »

Face à eux, l’avocat du mandataire judiciaire et celui du régime de garantie des salaires (AGS) ont plaidé « l’incompétence des prud’hommes ». Un raisonnement suivi dans trois précédents dossiers de livreurs de TEE, jugés par d’autres chambres prud’homales. Subsidiairement, ils ont demandé aux conseillers de ne pas requalifier les contrats, car les livreurs « avaient une totale liberté d’organiser leur travail » et « pouvaient collaborer avec des applications concurrentes ».

La réalité était exactement à l’inverse, s’est appliqué à démontrer Me Gilles Joureau, l’avocat des neuf livreurs, du barreau de Tours. TEE exerçait un véritable « pouvoir de direction, de contrôle et de sanction », caractéristique d’un lien de subordination, selon Gilles Joureau.

En outre, « l’organisation du travail était très rigoureuse », selon l’avocat des livreurs. Il fallait être connecté un quart d’heure avant l’heure, puis en permanence durant le shift, ce qui interdisait, de fait, de travailler pour une autre plate-forme. Il fallait aussi porter la tenue aux couleurs de TEE et le matériel fourni. Seul le vélo appartenait au livreur. Les sanctions, appelées strikes, pouvaient être attribuées en cas de désinscription tardive, de défaut de réponse dans les cinq minutes après la proposition d’une commande, en cas d’inscription sans être connecté… Au bout de deux, trois ou quatre strikes, selon les cas, le livreur était renvoyé.

Ce jugement des prud’hommes « nous renvoie au tribunal de commerce, considérant que les coursiers étaient des non-salariés », a déploré, mercredi, Gilles Joureau.