La commission de Bruxelles a proposé, mercredi 27 septembre, une modification du code Schengen, à savoir les règles qui régissent l’espace européen sans passeport. Sous la pression d’une série de pays et de l’actualité – la pression migratoire et la menace terroriste –, elle a dû se résoudre à admettre que les contrôles rétablis par plusieurs pays aux frontières intérieures de l’Union peuvent être maintenus, voire prolongés.

Usant d’« éléments de langage » assez transparents, Bruxelles nie tout « feu vert automatique » et affirme que l’absence de contrôles aux frontières est « l’essence même » d’un système qu’il convient de préserver absolument car, s’il était mis en danger, « cela signifierait le début de la fin de l’Europe », a insisté le commissaire à la migration, Dimitris Avramopulos. Les conditions d’application des nouvelles règles seront « strictes », les éventuels abus sanctionnés, souligne son collègue néerlandais Frans Timmermans. Plutôt que d’une mise à mal de Schengen, la Commission parle de son « renforcement ».

La réalité semble différente. Six Etats (la France, qui a invoqué le danger terroriste, l’Allemagne, le Danemark, l’Autriche, la Suède et la Norvège, pour des raisons liées à la pression migratoire après l’afflux massif de 2015) ont bel et bien rétabli les contrôles. L’autorisation accordée à Paris expire le 31 octobre, la tolérance dont bénéficient les autres capitales doit s’arrêter le 11 novembre. Ensemble, les gouvernements de ces pays ont plaidé récemment pour un assouplissement des règles, estimant que les dangers auxquels ils sont confrontés n’ont pas disparu.

Le principe même de Schengen régulièrement sous pression

Dans un savant exercice sémantique, la Commission leur répond que les contrôles doivent demeurer « l’exception », la mesure « en dernier recours ». Elle admet toutefois qu’elle doit assurer l’équilibre entre la liberté de mouvement et la sécurité. D’où sa proposition de maintenir, voire d’étendre les contrôles. La période « maximale » autorisée passera de six mois à douze. Et elle pourra être, ensuite, étendue jusqu’à vingt-quatre mois supplémentaires (trois ans au total, donc). A condition que le pays concerné se coordonne avec ses voisins, recueille l’autorisation des autres Etats membres et convainque la Commission.

Celle-ci prendrait-elle le risque de s’opposer à une capitale qui invoquerait un danger grave pour la sécurité de ses citoyens ou s’opposerait, par principe, à l’entrée de migrants sur son territoire – comme c’est déjà le cas pour une série de pays de l’Est ? C’est peu probable. D’où l’idée que, de détricotage en détricotage, c’est le projet même de Schengen qui pourrait finir par être enterré.

Il a déjà été plusieurs fois sous pression quand, en 2015, la Grèce a été menacée d’une suspension, voire d’une exclusion, ou quand, en 2012, Nicolas Sarkozy a menacé Bruxelles d’une sortie de la France si les « clauses de sauvegarde » de Schengen n’étaient pas révisées. C’est la gestion des frontières extérieures qui était en cause à l’époque. Et c’est ce point qui incite aussi une série de pays (Allemagne et Pays-Bas en tête) à refuser, depuis plusieurs années, l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace de libre circulation. Lors de son récent voyage à Bucarest, le président Macron a, lui, entrouvert la porte à la Roumanie mais, seulement quand Schengen aura été réformé, prévenait-il.

Mercredi, pour contrebalancer l’idée d’un rétrécissement de celui-ci, la Commission a, elle, proposé d’intégrer rapidement les deux pays. Elle est appuyée par le Parlement européen, mais il est peu probable que sa nouvelle tentative aboutisse. Réaliste, elle a, d’ailleurs, retiré la Croatie de sa liste de candidats alors que le président Jean-Claude Juncker l’avait citée lors de son récent « discours sur l’état de l’Union », à Strasbourg.