Emmanuel Macron pendant son discours sur l’Europe à la Sorbonne, à Paris, le 26 septembre 2017. / POOL / REUTERS

En temps normal, Mme Merkel aurait réagi plus promptement. Mardi 26 septembre, Angela Merkel n’a pas commenté dans l’instant les propositions faites par Emmanuel Macron, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, à Paris, afin de relancer le projet européen. Au fond, la chancelière se réjouit de l’élan proeuropéen impulsé par le président français. Mais elle devait attendre mercredi pour délivrer un premier commentaire.

En décidant de s’exprimer deux jours après les élections législatives allemandes, M. Macron ne pouvait s’attendre à autre chose. A Berlin, cette prudence n’a guère étonné. « Je ne pense pas qu’il y aura une réponse immédiate de la chancellerie, avait prévenu un haut fonctionnaire allemand spécialisé dans les sujets européens. La priorité de Mme Merkel est maintenant de former une coalition [gouvernementale]. Or, il ne vous a pas échappé que, sur l’Europe notamment, les partenaires pressentis [pour cette future coalition] ne sont pas sur la même ligne. Dans cette situation, la chancelière sait qu’elle a intérêt à attendre les réactions des uns et des autres avant de se positionner. C’est ce qu’elle a de mieux à faire pour ne pas bloquer les choses. »

« Mauvaises leçons »

Les « partenaires », justement. A la différence d’Angela Merkel, leurs commentaires ne se sont pas fait attendre. Et, comme prévu, ils n’ont pas été à l’unisson. Chez les Verts, le discours de M. Macron a été accueilli très positivement. En témoigne le Tweet rédigé – en français – par Cem Özdemir, le président du parti écologiste : « Excellent, président Emmanuel Macron ! L’avenir de nos pays réside dans une Europe unie. Besoin d’une coopération forte avec Paris. » Ces quelques mots ne sont pas anodins, d’autant que M. Özdemir pourrait être le prochain chef de la diplomatie allemande, si les Verts entrent au gouvernement et qu’ils réclament – ce qui est possible – le ministère des affaires étrangères.

Chez les conservateurs (CDU-CSU) et les libéraux (FDP), en revanche, les réactions ont été nettement moins enthousiastes. Et, sans surprise, ce sont les idées du président français sur l’avenir de la zone euro qui les ont refroidis. « Les projets de M. Macron conduisent à faire de la zone euro une union de transferts [financiers] illimitée et à dissoudre le pacte de stabilité. Or, ce sont là les mauvaises leçons de la crise de l’euro », a estimé le conservateur bavarois Hans Michelbach (CSU), membre influent de la commission des finances du Bundestag. Selon lui, M. Macron « cherche des possibilités de faire porter la dette publique française par d’autres, [ce qui] n’est pas un procédé acceptable ».

Même réaction au FDP. « En Europe, le problème n’est pas le manque de fonds publics, mais le manque de réformes. Un budget de la zone euro induirait précisément les mauvais stimulants », a commenté Alexander Graf Lambsdorff, vice-président du Parlement européen, dont le nom est également cité, à Berlin, comme possible ministre des affaires étrangères dans le cas où le FDP hériterait de ce portefeuille dans le prochain gouvernement.

« Bien sûr, tout le monde ne va pas être d’accord. Mais ce n’est pas grave. Ce qui est positif, c’est que la France soit de retour sur la scène européenne », estime Olaf Wientzek, chercheur

Emmanuel Macron le savait. Il en a la confirmation. Dans une Allemagne dirigée par une Angela Merkel alliée au FDP et où l’aile droite de la CDU-CSU est décidée à se faire davantage entendre après le résultat décevant des conservateurs aux législatives, ses projets en faveur d’une plus grande intégration de la zone euro ou de la création d’une taxe sur les transactions financières se heurteront à de vives réticences.

Pour le reste, en revanche, plusieurs de ses idées trouveront un écho favorable à Berlin. « Quand M. Macron propose de renforcer la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, d’être plus solidaire à l’échelle européenne en matière de politique migratoire, de mieux protéger les frontières face à l’immigration illégale, de créer un marché commun du numérique ou de mener une politique plus ambitieuse pour le développement de l’Afrique, il pose un cadre qui a toutes les chances de convenir au prochain gouvernement allemand, même si, dans les modalités concrètes, il y aura forcément des points plus difficiles à négocier que d’autres », estime Olaf Wientzek, responsable des questions européennes à la Fondation Konrad-Adenauer, proche de la CDU.

Pour ce chercheur, le fait que M. Macron ait évoqué ces différents dossiers thématiques avant d’exposer ses idées sur la zone euro, et qu’il ait, à propos de celle-ci, été assez prudent, ne peut qu’être apprécié à Berlin. « On attendait un président français qui dit clairement ce qu’il souhaite sur l’Europe sans pour autant faire la leçon à l’Allemagne, explique M. Wientzek. Alors, bien sûr, tout le monde ne va pas être d’accord. Mais ce n’est pas grave. Ce qui est positif, c’est que la France soit de retour sur la scène européenne. Et ça, en Allemagne, beaucoup de gens l’attendaient. »

Emmanuel Macron : « Nous avons oublié de défendre l’Europe »
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