La région souhaite obtenir des liaisons ferroviaires plus fiables. / Jules Le Barazer

Nous souhaitons que le gouvernement nous donne la possibilité d’ouvrir nos trains régionaux à la concurrence le plus tôt ­possible. » En succédant à la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) au Niçois Christian ­Estrosi (LR), le Marseillais Renaud Muselier (LR) a épousé la bataille du rail déclenchée par son ancien chef de file, en pleine campagne pour les élections régionales de 2015. « Provence-Alpes-Côte d’Azur détient le triste record de France des TER perturbés », s’indignait alors l’ancien ministre délégué à l’aménagement du territoire, pointant des taux de retard et d’annulation allant jusqu’à 18 % des trains.

« Notre réseau régional reste le moins fiable et le plus cher de France, ­reprend aujourd’hui M. Muselier. Notre collectivité donne près d’un million d’euros par jour à la SNCF. A ce tarif, j’attends un meilleur résultat. » Si M. Muselier gonfle la somme réellement facturée par l’opérateur ferroviaire – elle frôlait les 300 millions d’euros en 2016 –, son constat sur la qualité du service n’est remis en question par personne.

« A partir du moment où l’autorité ­organisatrice n’est pas satisfaite, je comprends qu’elle pose un ultimatum », convient Gilbert Dhamelincourt, secrétaire régional FO Cheminots PACA. Sur ce réseau qui transporte chaque jour 100 000 usagers à bord de 573 trains, deuxième fréquentation nationale derrière l’Ile-de-France, les difficultés persistent. Quotidiennement, des dizaines de voyageurs font remonter leur mécontentement via l’application numérique de l’association d’usagers Nosterpaca.

Rupture des négociations

« Les chiffres 2016 n’ont pas été bons, concède Franck Lacroix, responsable national des ­réseaux TER. Mais nous sommes sur une dynamique de progrès en 2017. De gros efforts ont été faits sur la Côte d’Azur, où aujourd’hui 90 % des trains arrivent à l’heure. » Cet ancien cadre de l’industrie, arrivé à la SNCF il y a un an, a lancé à l’automne 2016 son plan stratégique Cap TER 2020 pour « booster la qualité de service ».

« Arriver à reculons dans la concurrence serait ­synonyme d’échec, assure-t-il. Nous souhaitons être acteurs d’une mobilité renouvelée, on ne laissera pas notre chaise vide. » « Mais les améliorations sont aussi dues à la baisse du nombre de trains proposés, tempère Jean-Yves Petit, ancien vice-président EELV du conseil régional chargé des transports, désormais cheville ouvrière de Nosterpaca. Sous la mandature précédente, nous étions montés jusqu’à 700 par jour. »

« Avant toute discussion, nous souhaitons que la qualité de service revienne à un niveau acceptable et que les coûts facturés par la SNCF. » Renaud Muselier, président de la région PACA

Entre la région PACA et la SNCF, le divorce est consommé depuis le 31 décembre 2016. A cette date, la collectivité a refusé de renouveler la ­convention qui la liait depuis dix ans à l’opérateur historique et a rompu toute négociation, cas unique sur le territoire national. Les TER provençaux circulent donc hors convention. La ­rencontre, six mois plus tard, entre un Renaud Muselier nouvellement élu et le président de la SNCF, Guillaume Pepy, n’a rien aplani. « Avant toute discussion, nous souhaitons que la qualité de service revienne à un niveau acceptable et que les coûts facturés par la SNCF soient transparents, poste par poste. Deux conditions qui ne sont toujours pas remplies », tonne le président Muselier.

La collectivité ne paye d’ailleurs à l’opérateur que ce qu’elle estime « juste » : 35 millions d’euros ont été retirés de la note en 2016. Autant le seront en 2017. La SNCF a porté l’affaire en justice mais M. Muselier se dit « serein » : « Ces sommes sont provisionnées et rien ne prouve que ce n’est pas elle qui nous devra de l’argent à la fin. » En se libérant du conventionnement, la région PACA se donne aussi la possibilité d’ouvrir son ­réseau à la concurrence dès que la loi le permettra. L’Europe a fixé au 3 décembre 2019 la fin du monopole d’Etat sur les lignes de service public dites ­conventionnées, soit régionales ou nationales non rentables.

L’obligation d’une mise en ­concurrence n’interviendra qu’en 2023 mais le gouvernement français peut ouvrir la voie aux collectivités volontaires. Outre PACA, tête de pont du dossier au sein des régions de France, Bourgogne-Franche-Comté, Pays de la Loire et Grand-Est se montrent intéressées. « En 2018 ou 2019, l’ouverture à la concurrence reste inéluctable, estime Jean-Yves Petit, l’ancien vice-président vert de PACA. Reste à savoir sur quelles ­lignes, comment on arrivera à transférer les matériels et les sites de maintenance des trains aux nouveaux opérateurs et quel sera le coût social de tout cela, notamment en termes de salariés. »

De nombreux retards structurels

M. Muselier, lui, veut aller vite. « On espère que l’autorisation viendra fin 2017-début 2018 pour un lancement fin 2018-début 2019, calcule-t-il. Nous gagnerions un an sur les directives européennes. » Un temps politique auquel Louis ­Nègre, sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, ne croit pas. Le 6 septembre, il a déposé, avec son homologue Hervé Maurey (UC, Eure), une proposition de loi ­relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire des voyageurs. Pour lui, seule l’échéance de décembre 2019 est sérieuse.

« Un appel d’offres sur le train, ce n’est pas une commande de lampes de chevet. Il faut établir un cahier des charges avec l’aide de spécialistes, lancer les procédures, explique le maire de Cagnes-sur-Mer. Ces deux ans me semblent incompressibles et je n’ai pas l’impression, dans mes discussions avec le gouvernement, que ce dernier souhaite accélérer le jeu. » Le sénateur, récemment réélu à la présidence du Groupement des autorités responsables de transport (GART), pointe un autre obstacle qui pourrait retarder le calendrier : « Actuellement, les données nécessaires à l’établissement des cahiers des charges ne sont pas faciles à obtenir de la SNCF. Même en tant que sénateurs, nous avons eu des difficultés. »

Sur un réseau qui accuse de nombreux retards structurels et emploie 3 000 agents SNCF, la ­modification ne pourra être que progressive. A la région, où l’on refuse la perspective d’une mise en régie directe, on évoque « quelques segments sur l’ensemble du territoire ». « D’abord les lignes les plus faciles à gérer, pour prouver que le privé peut faire mieux que la SNCF », prédit François ­Tejedor, secrétaire général CGT des cheminots PACA, qui désigne déjà les jonctions Cannes-Grasse et Nice-Breil dans les Alpes-Maritimes.

« Cette ouverture à la concurrence n’est qu’un souhait idéologique d’élus libéraux qui veulent casser le service public, poursuit le syndicaliste. Les causes de la baisse de qualité du service sont plutôt à chercher dans la course à la productivité qui pèse sur les agents et la sécurité des voyageurs. » « La concurrence ne sera pas la solution à tous les problèmes, prévoit Jean-Yves Petit. Entre Cannes et l’Italie, par exemple, il n’y a que deux voies et le réseau est saturé. Opérateur privé ou public, ça coincera toujours. »

Réalisé en partenariat avec Régions de France.