Les portes des centres de rétention (CRA) vont-elles s’ouvrir tout grand ? Si les juges suivent l’arrêt n° 1130 de la Cour de cassation, rendu en audience publique mercredi 27 septembre, les étrangers enfermés le temps de préparer leur renvoi dans un pays d’Europe pourraient tous retrouver la liberté. Ce qui pourrait vider ces prisons pour migrants d’un cinquième de ces « retenus ».

La plus haute juridiction a conclu que le droit français n’autorisait pas à priver de liberté ces demandeurs d’asile qu’on appelle « dublinés », parce qu’ils ont laissé une trace de leur passage dans un autre pays d’Europe avant d’arriver en France et qu’ils peuvent y être renvoyés au nom du règlement dit de Dublin.

Le taux de succès des transferts ne dépasse pas 10 %

Au nom de Dublin 4, donc, la France tente de les transférer dans le pays d’où ils viennent qui est habilité à étudier leur demande d’asile.

Depuis son arrivée place Beauvau, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, met un soin particulier à expulser ce public « facile » à renvoyer en Italie, Hongrie ou même Allemagne. Peu importe que les personnes concernées reviennent en quelques jours, les statistiques ne le montrent jamais.

Or, comme le taux de succès de ces transferts ne dépasse pas à l’heure actuelle 10 %, en dépit des moyens humains mis sur ces dossiers, les préfectures enferment de plus en plus souvent les « dublinés », arguant du « risque non négligeable de fuite ».

C’est là que se trouve la faille juridique, puisque « le législateur n’a pas fait son travail en ne définissant pas ce qu’est un « risque non négligeable de fuite »», rappelle Isabelle Zribi, qui a plaidé le dossier devant la Cour de cassation. En l’absence de cadrage de cette notion, il n’est pas légal d’enfermer ces personnes.

Un retenu sur cinq

A court terme, les conséquences s’annoncent importantes puisque, si l’on s’intéresse aux CRA de Rennes, du Mesnil-Amelot, de Bordeaux et de Toulouse, un retenu sur cinq est enfermé car « dubliné ».

Rien ne dit que tous seront libérés par les juges qui restent souverains, mais 21,5 % des étrangers enfermés dans ces lieux en 2017 l’ont été pour ce motif et sont donc potentiellement concernés.

Cette proportion de « dublinés » est en très forte augmentation partout, puisqu’en 2016 les centres de rétention n’en recensaient « que » 10,3 % et 3,4 % en 2015, selon des données de la Cimade (sur la totalité des CRA métropolitains).

La faille, que le représentant du ministère a qualifié de « trou dans la raquette » lors de l’audience publique, ne sera que de courte durée. Dans la loi, en préparation pour le printemps 2018, le législateur précisera ce que recouvre ce « risque non négligeable de fuite ». Les premières moutures du texte laissent entendre que le ministère aimerait doubler la durée de la rétention.

En attendant, l’affaire est politiquement mal venue alors que le ministre de l’intérieur joue justement la fermeté et promet plus de renvois à l’étranger.