Ashraf Ismail, ancien développeur sur « FIFA », dirige aujourd’hui « Assassin’s Creed : Origins ». / WA

Le responsable créatif du prochain Assassin’s Creed, c’est lui. Ahraf Ismail, Canadien d’origine irakienne, supervise aujourd’hui l’un des jeux d’action-aventure les plus riches et immersifs, dix ans après avoir débuté comme programmeur puis concepteur sur… la simulation de football d’Electronic Arts, de FIFA 05 à UEFA Champion’s League 2006-2007.

Comment passe-t-on d’un jeu de sport à une reconstitution de l’Egypte antique ? Alors que FIFA 18 sort vendredi 29 septembre et Assassin’s Creed Origins fin octobre, il raconte à Pixels la richesse du jeu vidéo et les problématiques communes que rencontrent tous les créateurs, quel que soit leur genre.

Comment passe-t-on d’une série comme FIFA à une autre comme Assassin’s Creed, deux genres si différents ?

Ahraf Ismail : J’ai commencé comme programmeur sur FIFA, je travaillais sur l’intelligence artificielle. Cela m’a permis de mettre un pied dans l’industrie, mais ce n’était pas ma passion. Je préfère la conception, l’élaboration de mondes et de mécaniques de jeu. Mon premier travail de design, c’était sur la version Ligue des Champions de FIFA [la série détenait la licence de 2002 à 2008], puis j’ai évolué vers d’autres styles de jeu.

Je le répète volontiers à qui veut l’entendre, travailler sur la programmation des FIFA m’a permis de mieux comprendre l’aspect technologique du jeu vidéo, ainsi que l’organisation d’un projet. Que ce soit un jeu de football ou d’aventure, cela ne change pas : vous codez, vous intégrez le code, vous le testez, vous l’adaptez aux souhaits des designers, vous itérez… Le contenu peut être différent, mais le schéma de production est très proche. Et comprendre la partie programmation est très importante aujourd’hui pour m’aider à communiquer aujourd’hui aux autres mes souhaits et prendre en compte leurs contraintes.

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Y a-t-il des points communs que vous avez retrouvés, dans la programmation d’un FIFA et d’un Assassin’s Creed ?

Beaucoup de discussions sont similaires pour l’intelligence artificielle (IA). Pas dans le détail, bien sûr, mais dans l’aspect général. Par exemple, sur les questions de pathfinding (le déplacement automatique d’un personnage contrôlé par l’ordinateur) ou de cohérence au sein d’un groupe de plusieurs IA. Ce sont des concepts abstraits qui s’appliquent de manière similaire, même si les jeux sont très différents.

Par exemple, l’animation joue un rôle très important dans les deux types de jeux. D’un côté ce sera plus de la coordination de mouvements, de l’autre, des gestuelles en combat. Mais dans les deux cas, les mêmes enjeux techniques se retrouvent : comment le défenseur ou le garde s’oriente-t-il par rapport à vous ? Dans un jeu, on court après un ballon, dans l’autre, on manie l’épée, le contenu est évidemment très différent, mais du point de vue de l’intelligence artificielle, il y a beaucoup de similitudes. Idem pour la coordination d’un groupe : que ce soit une équipe ou une garnison, les problématiques pour nous sont les mêmes.

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Pourriez-vous revenir à un jeu de football comme FIFA ?

Ma passion, ce sont les jeux en monde ouvert. Ce que j’adore avec la série Assassin’s Creed c’est qu’on reconstitue des époques révolues, là on redonne vie à l’Egypte antique ! On crée une expérience qui se rapproche le plus possible de ce que ce serait que d’habiter l’Egypte de l’époque. Cet aspect est passionnant, captivant. De ce point de vue, jamais je ne voudrais revenir sur un jeu de sport.

Pas même pour imaginer un jeu de football en monde ouvert, se situant par exemple dans l’Angleterre du XIXe siècle, au moment de l’invention du football ?

[Il rit] Ce ne serait pas un vrai jeu de sport ! J’admets qu’il y a une dimension narrative dans FIFA, et je ne parle pas du mode histoire, mais du fantasme d’incarner un joueur au sein de son club fétiche et d’y évoluer. Mais sur Assassin’s Creed, il y a tant de contexte historique, d’arrière-plan scénaristique, de manigances… C’est vraiment ce qui me passionne. Sur cet épisode on a essayé de donner un ton plus sombre. C’est très gratifiant. En plus mon rôle a évolué, à l’époque de FIFA j’étais surtout responsable de contenu, je supervisais les données chiffrées du jeu ; alors que maintenant je suis le directeur créatif, je donne les grandes directions, même s’il m’arrive de plonger dans les détails. Si je devais faire un jeu de football, aujourd’hui, ce serait sur un rôle très différent d’autrefois.

Vous continuez à jouer aux jeux de football pour le plaisir ?

En réalité, je suis tombé amoureux du football en travaillant dessus, je me suis mis à suivre le football européen, tout particulièrement la Premier League. Je ne suis pas fan du Barça, mais j’encourageais le Real Madrid. Aujourd’hui je n’ai plus autant de temps qu’avant pour jouer et j’ai beaucoup perdu, alors que j’étais vraiment très bon. Je ne joue plus qu’avec mes cousins des fois, mais j’apprécie toujours le jeu, et je trouve qu’ils ont fait des progrès stupéfiants.

Pour vous nourrir en idées pour Assassin’s Creed, à quel type de jeux jouez-vous ?

J’essaie de jouer à plein de types différents. C’est peut-être en raison du fossé qui sépare FIFA d’Assassin’s Creed, mais j’ai pris l’habitude de chercher l’inspiration dans des jeux parfois très éloignés, que ce soit pour des détails très précis ou des idées plus générales. Par exemple, récemment, j’ai joué à Overwatch – beaucoup trop ! –, à Destiny 2, j’ai fini Uncharted 2, Horizon : Zero Dawn

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Et qu’en retirez-vous exactement ?

Des éléments abstraits liés au feedback, à l’audio, à l’interface… Overwatch est brillant, je ne devrais d’ailleurs pas parler d’un jeu de la concurrence [rires], mais il est brillant en termes de design sonore. Il y a sûrement quelque chose à apprendre là. Le truc, c’est que ce sont des médias interactifs, on ne lit pas, on ne regarde pas, on interagit, le jeu réagit, et il y a toujours quelque chose à apprendre, constamment.

Jouer à des jeux différents me fait découvrir à des choses auxquelles je ne pense pas, parce que je suis focalisé sur un mode ouvert, avec de l’historique, etc. Si je joue à un jeu narratif dans un univers de science-fiction, comme Destiny 2 par exemple, je vais m’intéresser au système de progression, que je trouve bien meilleur que dans le 1. Là aussi, il y a aussi des choses à retenir. L’important est d’avoir un maximum d’options et de solutions possibles pour résoudre les difficultés que nous rencontrons dans nos projets. Pour cela, il faut ouvrir son esprit.