Une étudiante consulte le site Admission post-bac, à Roncq (Nord), le 8 juin. / THIERRY THOREL / CITIZENSIDE VIA AFP

C’est un nouveau coup porté à la plate-forme Admission post-bac (APB), qui permet de faire ses vœux d’orientation dans l’enseignement supérieur. Dans une décision du 30 août rendue publique jeudi 28 septembre, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) met en demeure le ministère de l’enseignement supérieur de « cesser de prendre des décisions concernant des personnes sur le seul fondement d’un algorithme et de faire preuve de plus de transparence » dans l’utilisation de la plate-forme.

Cette décision, qui « n’est pas une sanction », précise la CNIL, oblige cependant le ministère à se mettre en conformité avec la loi « dans un délai de trois mois ». Elle intervient suite aux polémiques qui ont émaillé la session 2017 d’APB. Notamment autour des milliers de candidats n’ayant pas reçu de proposition lors des trois phases de la procédure. Mais surtout en raison de l’utilisation du tirage au sort pour départager les candidats trop nombreux à l’entrée des filières universitaires en tension. Tirage au sort régulièrement remis en cause devant les tribunaux administratifs, qui estiment qu’il ne repose sur aucune base légale.

On retrouve d’ailleurs derrière cette décision de la CNIL, une nouvelle fois, l’association Droits des lycéens, qui dénonce depuis le printemps 2016 l’opacité de la procédure Admission post-bac ainsi que son manque de bases juridiques. Elle avait, entre autres, obtenu en septembre 2016 de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) l’obligation faite au ministère de publier une partie du code source de l’algorithme d’APB. Deux mois avant de saisir la CNIL d’une plainte, qui trouve sa conclusion aujourd’hui.

« Intervention humaine »

La mise en demeure de la CNIL diffère des autres décisions administratives, dans la mesure où elle ne remet pas seulement en cause les bases juridiques bancales du tirage au sort. Mais bien celles de l’ensemble du processus d’admission dans les filières non sélectives de l’université, où seul un algorithme intervient dans l’acceptation ou l’éviction des candidats, selon les trois critères prévus par la loi : l’ordre des vœux, le domicile du candidat, sa situation de famille. Si elle ne « remet pas en cause le principe même de l’utilisation des algorithmes dans la prise de décision », la Commission rappelle que le législateur a prévu, dans le cadre de l’article 10 de la loi Informatique et libertés, que cet usage « ne pouvait exclure toute intervention humaine et devait s’accompagner d’une information transparente des personnes ».

Or, dans le cas des filières non sélectives, « c’est bien le résultat du classement automatisé d’APB qui conditionne laccès au service public de l’enseignement supérieur », tirage au sort ou pas, commente l’avocat de l’association Droits des lycéens, Me Merlet-Bonnan, car « la décision juridique du recteur de refuser l’accès d’un étudiant à telle ou telle filière repose bien sur ce traitement automatisé ».

Parmi les autres manquements pointés par la CNIL figurent le manque d’informations précises sur « l’identité du responsable », la « finalité » et le « fonctionnement » du traitement algorithmique sur le site APB.

« Comité d’éthique » et service adéquat

Cette décision de la CNIL, rendue exceptionnellement publique « compte tenu du nombre important de personnes concernées », précise la commission, est intervenue alors que la ministre de l’enseignement supérieur organisait sa conférence de presse de rentrée. L’occasion pour Frédérique Vidal de commenter cette mise en demeure à laquelle « le gouvernement se conformera », et de rappeler son intention de revoir profondément le fonctionnement d’APB. « La plateforme qui sera appelée à succéder à APB sera adossée à un comité d’éthique qui inclura des scientifiques de haut niveau » a-t-elle expliqué, de même que pour « garantir sa parfaite conformité avec la loi, cette plateforme sera pilotée par un service à compétence nationale, rattaché à la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle » du ministère.

De quoi apporter au fonctionnement quotidien de la machine l’« intervention humaine » qui lui manque, selon la CNIL ? « Il faut voir comment cela sera mis en place, mais il semble que cette solution soit a priori une réponse adaptée », commente à chaud Me Merlet-Bonnan. Avant d’ajouter que mettre sur pied « une plateforme effectuant un traitement automatisé mais à caractère individuel » peut poser quelques difficultés.

La décision de la CNIL tombe en tout cas à pic pour le ministère, actuellement en pleine concertation sur la mise en place de prochains prérequis à l’entrée de l’université. Lors de sa conférence de presse, la ministre a opportunément fait le rapprochement avec le tirage au sort qu’elle souhaite bannir à la rentrée 2018, alors même que la CNIL n’en parle pas précisément. « La CNIL confirme ce que nous savions tous : nous devons définitivement tourner la page du tirage au sort. C’était le choix du gouvernement, c’est désormais une obligation légale », a expliqué Frédérique Vidal. Alors qu’elle n’avait pas exclu des mesures d’ordre législatives en la matière, elle a désormais clairement affirmé qu’elle comptait modifier la loi.