L’alerte au choléra est régulièrement lancée en République démocratique du Congo (RDC). Année après année, la « maladie des mains sales » franchit de nouveaux seuils de propagation, faisant de la RDC le pays le plus touché d’Afrique centrale. Cette fois-ci, l’épidémie a été déclarée le 9 septembre par les autorités et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Vingt des vingt-six provinces du pays sont touchées : 568 morts et 27 881 « cas suspects » ont été relevés par l’OMS depuis début le début de l’année. Trois semaines après la déclaration de l’épidémie, plus de 17 000 personnes ont été prises en charge par Médecins sans frontières (MSF).

« Aucun pays n’est fier d’annoncer une épidémie de choléra », relève Yves Willemot, porte-parole de l’Unicef à Kinshasa. D’autant plus lorsque la question relève de défis structurels gigantesques, qui laissent soupçonner une grave dégradation de l’état sanitaire d’un pays de 80 millions d’habitants. La grande majorité d’entre eux n’a pas un accès suffisant à l’eau potable, alors que l’assainissement des zones d’habitation urbaines et rurales s’est dégradé tout au long du dernier demi-siècle.

Dans les provinces du Kasaï

Accentuée par la saison des pluies qui débute en septembre, l’épidémie de choléra constitue un phénomène cyclique en RDC. De nombreux foyers latents se sont aujourd’hui réactivés, notamment dans la région des Grands-Lacs, à l’est, et en particulier dans ses deux grandes villes, Goma et Bukavu, où beaucoup d’habitants utilisent l’eau du lac Kivu pour se nourrir et se laver.

Un nouveau foyer est apparu dans la province du Kongo-Central, au bord de l’océan Atlantique. A Kinshasa, un foyer cholérique s’est éteint, dans le bidonville de Pakadjuma, bâti le long du fleuve Congo. Des cas ont également été répertoriés au sein du vaste camp militaire Kokolo, où sont cantonnés les soldats et leurs familles, au cœur de la capitale. Mais le danger actuel le plus criant se situe dans les provinces du Kasaï, au centre du pays, déjà touchées par une grave épidémie en 2002.

Les habitants du Kasaï pâtissent des conséquences du conflit qui, depuis août 2016, oppose les forces gouvernementales à des groupes de miliciens et ont poussé plus d’un million d’entre eux à fuir dans les pays frontaliers (Angola, Zambie) et les provinces voisines (Kwilu, Sankuru, Haut-Lomami). Comme dans la province du Tanganyika, où des combats entre miliciens provoquent de grands déplacements de populations, l’ombre du choléra s’ajoute aux violences subies par les civils.

« Le problème principal demeure l’accès à l’eau »

Les provinces voisines, d’ores et déjà affectées, peuvent en effet diffuser le choléra à travers la rivière Kasaï à l’ouest et le long du chemin de fer, dont une partie reste en activité à l’est. Après une saison sèche intense dans toute la RDC, l’épidémie a toutes les chances de se développer. « En termes de chiffres, cette épidémie n’a d’égale que celle de 2002, qui a justement commencé au Kasaï. Ce sont des questions peu sexy pour les médias, mais le problème principal demeure l’accès à l’eau », alerte l’épidémiologiste Didier Bompage, coordinateur du Plan national d’élimination du choléra (Pnechol), sous la tutelle du ministère de la santé publique.

En réponse à l’épidémie, le Pnechol a lancé une réponse d’urgence sur trois mois, fondée sur la sensibilisation et financée à hauteur de 7 millions de dollars (5,9 millions d’euros) par l’OMS et MSF. « Il faut cette phase d’urgence, mais la crise montre plus que jamais la nécessité de travailler en profondeur sur ses raisons structurelles, souligne le médecin. Si on continue à agir aussi légèrement, ça va tenir jusqu’à quand ? »

Tous les acteurs du secteur sanitaire le reconnaissent : l’élimination du choléra ne passera que par l’amélioration des réseaux d’eau et de l’hygiène élémentaire. Cette action à long terme devait être prise en charge par le plan multisectoriel lancé en 2008, resté sous-financé depuis. Le plan doit idéalement relier les différents services, acteurs et ministères concernés pour une réponse à long terme. Dans ce cadre, une mission de Veolia Environnement a récemment rendu visite aux autorités congolaises.

Plus de quarante ans après l’apparition du choléra dans l’ancien Zaïre, son accroissement récurrent jette une lumière crue sur la déliquescence des infrastructures de l’actuelle RDC, accompagnée de la paupérisation continue de sa population. Plusieurs acteurs du secteur s’accordent à dire que la « maladie des mains sales est dangereuse, et pourtant simple à prévenir et à éliminer ».