Manifestation d’agriculteurs catalans à Barcelone, vendredi 29 septembre. / Francisco Seco / AP

Les Européens continuaient à jouer soit la carte du silence en cette fin de semaine, soit à soutenir ostensiblement Madrid, à l’avant-veille d’un hypothétique référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Mais à Bruxelles comme à Tallinn (capitale de l’Estonie), où s’étaient donné rendez-vous les dirigeants des vingt-huit Etats membres pour parler du futur de l’Europe, une certaine tension était perceptible.

Le président Emmanuel Macron fut un des plus explicites, depuis Tallinn, vendredi soir :

« J’ai un principe extrêmement simple : entre Etats membres, nous n’avons pas de leçons à nous donner. Je ne connais qu’un interlocuteur à la table du Conseil européen, c’est Mariano Rajoy, je sais qu’il gère au mieux les affaires intérieures. J’ai confiance dans sa détermination à défendre les intérêts de toute l’Espagne. »

Un peu plus tôt, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait de même déclaré, toujours à propos de la Catalogne : « Nous n’avons pas discuté de cette question aujourd’hui [au sommet de Tallinn]. » L’absence du premier ministre espagnol à Tallinn a probablement aussi contribué à limiter les prises de position. « Le premier ministre Mariano Rajoy n’était pas présent, impossible, dès lors, d’aborder le sujet sans lui », ont expliqué plusieurs sources diplomatiques vendredi. « Les dirigeants n’ont pas abordé le sujet entre eux », confirmait une source européenne, vendredi. « C’est une affaire intérieure à l’Espagne », a botté en touche Joseph Muscat, premier ministre de Malte.

Les journalistes espagnols présents au sommet de Tallinn, très divisés entre eux au sujet du référendum, avaient une interprétation différente du choix de M. Rajoy de rester en Espagne. Il devait, certes, présider un Conseil de gouvernement à Madrid, vendredi matin, mais il voulait surtout éviter les médias européens et leurs questions, dans son souci permanent de ne pas « internationaliser » la question catalane.

La boîte de Pandore de l’autodétermination

Jorge Toledo, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, avait fait le déplacement à Tallinn pour remplacer son premier ministre. Il a indiqué au Monde : « Lors de ce sommet, nous avons parlé de l’avenir de l’Europe ; on a parlé d’intégration pas de désintégration. » Que se passera-t-il après dimanche ? « Nous rétablirons le respect de la légalité, par les autorités catalanes quelles qu’elles soient. Alors le dialogue politique pourra commencer. »

Mais il est manifeste qu’aucun pays européen ne veut prendre le risque de légitimer la démarche catalane, au risque d’ouvrir une redoutable boîte de Pandore, celle des revendications d’autodétermination dans d’autres régions de l’Union. Depuis des semaines, la Commission répète à l’envi sa position – « Il faut respecter l’ordre juridique et la Constitution d’un Etat membre » – et refuse tout commentaire sur la stratégie du gouvernement de Madrid, même quand il intervient dans les rédactions, menace des maires ou arrête des responsables politiques.

Le lobby catalan tente, lui, de convaincre que la consultation aura lieu. « Malgré tous les obstacles, même physiques, que l’Etat déploie », expliquait vendredi matin, Amadeu Altafaj, à la RTBF. Le représentant du gouvernement catalan auprès de l’UE se disait également convaincu que la police catalane resterait « loyale » : « Selon le statut d’autonomie, elle doit respecter les autorités de la région. » M. Altafaj conteste aussi l’idée que le projet de référendum serait contraire à la Constitution espagnole et dit espérer une chute du gouvernement de Madrid, qui serait, selon lui, dans « un état de désespoir ».

Lire nos explications : En Catalogne, un référendum pour rien

Et l’idée de réclamer une médiation de la Commission de Bruxelles avant la tenue du référendum ? Il n’en est pas question, assurait une autre source espagnole présente à Tallinn. Une position appuyée par un porte-parole de la Commission, à Bruxelles. Pressé, comme tous les jours, de questions sur le dossier catalan, il a confirmé que le collège européen n’entendait pas s’immiscer dans une question qui, à ses yeux, relève uniquement de l’Espagne et de ses règles constitutionnelles.

Pour autant, à Tallinn, vendredi, on entendait une petite inflexion dans la position officielle de l’Union. L’Italien Antonio Tajani, président du Parlement européen et membre du PPE, comme M. Rajoy, a certes estimé qu’« il faut respecter la loi », mais il a ajouté : « Le référendum est illégal, mais je crois qu’on doit arriver à une solution politique à partir de lundi 2 octobre. »

Pourquoi les Catalans souhaitent-ils être indépendants ?
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