Le journaliste du quotidien britannique The Guardian, Saeed Kamali Dehghan, a été expulsé, jeudi 28 septembre, par les autorités marocaines alors qu’il se trouvait en reportage dans la ville d’Al-Hoceima, une région du nord du royaume secouée depuis presque un an par un vaste mouvement de contestation populaire.

Saeed Kamali Dehghan est basé à Londres et couvre principalement l’Iran. En 2010, il a été récompensé du titre de journaliste de l’année par la Foreign Press Association (Association de la presse étrangère, FPA) pour sa couverture des manifestations à Téhéran.

Arrivé au Maroc en début de semaine pour couvrir le Forum Women in Africaun sommet sur la participation des femmes dans le monde des entreprises – à Marrakech, il s’est ensuite rendu en avion à Al-Hoceima. Il était en rendez-vous, mercredi soir, à l’hôtel avec deux figures du mouvement de contestation – Nawal Ben Aissa et Al-Mortada Lamrachen – lorsque deux hommes lui ont demandé de faire ses valises et de les suivre au commissariat. De là, il a été conduit en voiture à Casablanca où un vol l’a ramené jeudi à Londres.

Le journaliste ne s’est pas exprimé. Pour le moment, seule sa rédaction a publié une courte déclaration expliquant que Saeed Kamali Dehghan était en sécurité et rentré à Londres, et poursuivant : « Nous sommes surpris qu’un journaliste respecté du Guardian qui faisait des reportages au Maroc ait dû quitter le pays et nous allons étudier plus en détail les circonstances. »

De nombreuses arrestations

Ce n’est pas la première fois qu’un journaliste étranger est expulsé alors qu’il couvre la crise dans le Rif. Au mois de mai, Djamel Alilat, du quotidien algérien El Watan, avait été interpellé alors qu’il se trouvait dans la ville de Nador. Il avait été renvoyé au motif qu’il n’avait pas d’autorisation des autorités.

Cette fois encore, une source officielle citée par l’hebdomadaire marocain Tel Quel justifie l’expulsion de Saeed Kamali Dehghan par l’absence d’autorisation préalable : « Nous étions obligés de prendre cette mesure pour respecter la loi qui impose de prendre contact avec l’administration pour se faire accréditer lorsqu’on est journaliste étranger au Maroc. Ce journaliste n’a malheureusement pas contacté l’administration pour faciliter son travail. »

Or la loi sur le statut des journalistes fixe seulement des conditions pour les correspondants de la presse étrangère vivant au Maroc, et non pour les envoyés spéciaux (présents pour une courte durée). Le Monde s’est d’ailleurs rendu à plusieurs reprises à Al-Hoceima sans être inquiété.

Depuis le début des manifestations rifaines à l’automne 2016, les autorités ont procédé à de nombreuses arrestations – entre 200 et 300 selon les estimations – parmi lesquelles plusieurs journalistes citoyens et collaborateurs de médias. En septembre, le journaliste Hamid Mahdaoui a été condamné à un an de prison. Selon Reporters sans frontières, le Maroc figure à la 133e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse 2017.