L’installation « Domestikator » de la coopérative néerlandaise Atelier Van Lieshout , à Bochum (Allemagne), dans le cadre de la Ruhrtriennale. / PATRICK KRYPCZAK

Le Domestikator de la coopérative néerlandaise Atelier Van Lieshout aurait pu être un des temps forts du parcours hors les murs organisé par la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) dans les jardins des Tuileries à Paris. « Aurait pu », car cette sculpture-habitacle de 12 mètres de hauteur, présentée par la galerie Carpenters Workshop, vient d’être refusée par la direction du Louvre, qui régit les jardins. En cause, son caractère sexuel : l’œuvre évoque un couple en position de levrette. De manière stylisée certes, façon Lego, mais néanmoins explicite.

Cet objet hybride, à mi-chemin entre l’art et l’architecture, a été initialement érigé en 2015 à Bochum, en Allemagne, dans le cadre de la Ruhrtriennale. Elle y est toujours visible, sans que personne y trouve rien à redire. Une autre sculpture de l’artiste au titre sans équivoque, Bar rectum, avait aussi été installée en 2005 sur la Messeplatz pendant la Foire de Bâle sans susciter la moindre controverse. La France serait-elle plus frileuse que ses voisins nordiques ? En 1998, l’exposition « Le Bon, la Brute et le Truand » de Joop Van Lieshout avait déjà été interdite par la mairie de Rabastens, dans le Tarn. Lors de l’exposition « Sportopia », au Rectangle à Lyon en 2002, les dessins ouvertement sexuels de Lieshout avaient aussi fait polémique.

Puisant dans les pulsions humaines parfois les plus sombres, le travail de l’artiste néerlandais est indéniablement dérangeant. Pour autant, ce dernier se défend de toute provocation gratuite. « Il n’y a rien de bestial dans le Domestikator, insiste-t-il. Mon propos, c’est comment les hommes domestiquent la planète, comment ils peuvent aussi l’améliorer. »

L'installation « Domestikator » de la coopérative néerlandaise Atelier Van Lieshout, à Bochum (Allemagne), dans le cadre de la Ruhrtriennale. / PATRICK KRYPCZAK

« Une vision trop brutale qui risque d’être mal perçue »

Sauf que le Louvre a encore en mémoire l’affaire du « plug anal » de Paul McCarthy, sculpture vandalisée puis retirée de la place Vendôme en 2014. « Le choix des œuvres exposées dans le jardin des Tuileries dans le cadre de la FIAC se fait lors de trois commissions [Louvre et FIAC], où est discuté l’intérêt de les présenter dans ce cadre et à proximité des collections du Louvre. L’œuvre Domestikator a été présentée après ces commissions, ne permettant pas d’en discuter la présentation dans le jardin collégialement », se justifie-t-on au Louvre.

Dans un courrier adressé à la FIAC le 26 septembre, le président du Louvre, Jean-Luc Martinez, motive toutefois son refus en indiquant que « des légendes sur Internet circulent et attribuent à cette œuvre une vision trop brutale qui risque d’être mal perçue par notre public traditionnel du jardin des Tuileries ». Le musée redouble d’autant plus de prudence que le Domestikator devait être installé à proximité d’une aire de jeux pour enfants. « C’est de l’hypocrisie totale, objecte Joop Van Lieshout. A Bochum, des classes entières sont venues voir le Domestikator. Les gens y ont vu quelque chose de drôle mais pas décadent. Et si des enfants y voient quelque chose de sexuel, c’est qu’ils sont en âge de le voir. »

D’après Julien Lombrail, codirecteur de la galerie Carpenters Workshop, la FIAC et la Ville de Paris auraient tenté de trouver un autre emplacement. « Mais c’est trop tard, regrette-t-il. L’œuvre est imposante, elle pèse 30 tonnes, et les délais trop courts. »