Plusieurs dizaines de milliers de manifestants sont attendus dans les rues de Dublin samedi 30 septembre, pour la sixième marche annuelle organisée par les partisans du droit à l’avortement. Leur ligne de mire : le référendum annoncé par le gouvernement, qui devrait avoir lieu au printemps.

Ce sera « une démonstration de force pour montrer au gouvernement que nous ne soutiendrons rien d’autre qu’une abrogation intégrale du huitième amendement », a promis Linda Kavanagh, porte-parole de l’Abortion Rights Campaign (Campagne pour le droit à l’avortement), au cours d’une conférence de presse avant le défilé.

Cet amendement place la vie de la mère et du fœtus à égalité. Introduit en 1983, il a intégré l’interdiction totale de l’avortement dans la Constitution de ce pays à forte tradition catholique. Décrié par les pro-IVG, il a été légèrement assoupli en 2013, après la mort d’une jeune femme enceinte. Depuis, l’avortement peut être pratiqué en Irlande en cas menace vitale pour la mère.

Face aux revendications de plus en plus fortes des partisans du droit à l’avortement, le gouvernement avait convoqué une Assemblée des citoyens en novembre, chargée de réfléchir, entre autres, au 8e amendement. Dans ses conclusions, rendues en avril, ses 99 membres ont recommandé une libéralisation assez large de l’IVG sous douze semaines de grossesse.

Les anti-IVG aussi mobilisés

Mardi, Dublin a annoncé la tenue d’un référendum sur la question au printemps 2018. Mais, alors qu’une Commission parlementaire transpartisane a commencé à plancher sur la question qui sera posée aux Irlandais, les défenseurs de l’actuelle législation sont aussi sur le pied de guerre.

Des militants anti-avortement ont ainsi manifesté mercredi devant Leinster House, la chambre des députés. Et samedi, ils entendaient distribuer des tracts dans les rues des grandes villes pour défendre le statu quo.

« Nous avons toutes les raisons d’être fiers du huitième amendement, qui a sauvé des dizaines de milliers de vies et évité d’horribles violations des droits de l’homme que l’avortement a causées dans d’autres pays », a affirmé Cora Sherlock, porte-parole de la Pro-Life Campaign (Campagne Pro-Vie).

Tim Jackson, jeune consultant en marketing de 28 ans, a observé jusqu’à mercredi une grève de la faim de dix jours pour réclamer – sans succès – que les députés regardent la vidéo d’un avortement. « C’est important, pour avoir un débat éclairé, que ces députés sachent ce qu’ils sont sur le point de décider », a-t-il expliqué.

La défiance envers les députés est partagée par les soutiens du droit à l’avortement. Satisfaits d’avoir enfin obtenu l’organisation d’un référendum, ils jugent le gouvernement et les parlementaires irlandais trop frileux sur la question, et dénoncent régulièrement une influence encore trop grande de l’Eglise catholique sur les affaires publiques.

« Manque de courage »

Contrairement au référendum sur le mariage homosexuel – adopté en mai 2015 –, aucun responsable politique de premier plan n’a pris position pour un droit large à l’avortement. Selon la presse, les ministres seraient plutôt embarrassés à l’idée de défendre un référendum dont les termes favoriseraient une option trop libérale. A l’image du premier ministre, Leo Varadkar, qui juge la législation actuelle « trop restrictive » mais n’est pas non plus favorable à une légalisation totale.

Selon une récente enquête Ipsos/MRBI, l’opinion publique est encore très partagée : si 76 % des Irlandais seraient prêts à accepter l’avortement en cas de viol, 67 % d’entre eux seraient opposés au libre choix d’une IVG.

« Je pense qu’ils manquent de courage pour affronter la réalité et la pression de leurs électeurs qui sont peut-être plus âgés et plus conservateurs dans leurs circonscriptions », a expliqué Bríd Smyth à l’Agence France-Presse. L’élue du petit parti Solidarity a été la première députée, en juillet, à révéler qu’elle avait avorté lorsqu’elle était plus jeune.

Selon elle, « l’avortement est une réalité, même en Irlande. C’est juste une réalité qu’on exporte chaque jour ». Une référence aux milliers d’Irlandaises qui vont chaque année se faire avorter à l’étranger, notamment au Royaume-Uni.