En juin 2007, des avocats avaient déjà bloqué les accès du palais de justice à Metz (Moselle) pour protester contre la suppression envisagée par le gouvernement Fillon de la cour d'appel de la ville. / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Grève générale, « blocus total » du palais de justice, suspension des commissions d’office : les avocats du barreau de Metz (Moselle) n’ont pas fait dans la demi-mesure en décrétant, lundi 2 octobre, au terme d’une assemblée générale réunissant 177 votants, « le blocage durant trois jours de toutes les activités juridictionnelles ».

Alors que la garde des sceaux, Nicole Belloubet, doit présenter cette semaine son programme de réforme de la justice, les avocats messins ont voulu exprimer leur colère. En cause : les menaces « plus que sérieuses » qui, selon eux, planent sur leur cour d’appel. Ils redoutent qu’elle disparaisse au profit de la seule cour d’appel de Nancy. Présent à l’assemblée générale tout comme plusieurs députés LRM, le maire, Dominique Gros (PS), leur a apporté son soutien.

Déjà « en première ligne » en juin 2007

Dès 7 h 30, mardi matin, plusieurs dizaines d’avocats en robes noires ont barré les entrées du palais. A 8 heures, ils étaient une centaine. Du grand portail à la « souricière », le passage souterrain par lequel entrent les fourgons cellulaires, ils n’ont négligé aucun accès. Le bâtonnier s’est « autodésigné » pour faire renvoyer le procès d’assises qui devait démarrer à 9 heures. Ses confrères boycotteront toutes les audiences, y compris les urgences pénales (comparutions immédiates, garde à vue, etc.). « Je ne désigne plus personne jusqu’à nouvel ordre », a prévenu Me Marc Charret.

« Tout ceci ne me rajeunit pas », soupire le bâtonnier, qui se souvient qu’« il y a dix ans déjà, Metz était en première ligne » contre la réforme de la carte judiciaire engagée en juin 2007 par Rachida Dati. Au terme d’une « bataille » de plusieurs mois ponctué de grèves perlées et de manifestations, Metz avait sauvé sa cour. « J’ai l’impression de revivre la même veillée d’armes », se désole Me Charret.

Le bâtonnier de Metz, dont le barreau compte 320 membres, s’appuie sur ce qu’il appelle « un faisceau d’indices graves et concordants » pour sonner la mobilisation. Car il n’y a, pour lui, plus de doute : la garde des sceaux, Nicole Belloubet, s’apprête « à détricoter la carte judiciaire et à vider un certain nombre de cours et tribunaux de leur substance, en voulant les priver de leurs compétences juridictionnelles ».

« Assécher l’activité de nos juridictions »

Un rapport de la Cour de cassation du 11 septembre, dans lequel est évoquée une « réorganisation des cours d’appel à partir d’une taille critique », l’a alerté. Me Charret évoque aussi, « de source sûre », un projet visant à transférer « vers Nancy » le contentieux civil et commercial de la cour d’appel de Metz, dont le ressort est limité au seul département de la Moselle – un cas unique en France. « La nouvelle transparence, qui organise les mouvements de magistrats, va sortir ; cinq magistrats du siège vont quitter Metz, aucun ne sera remplacé », ajoute-t-il. Une interview de la ministre à L’Obs a fini de l’inquiéter, ce week-end. Mme Belloubet y évoque « des spécialisations » par contentieux, une « adaptation du maillage judiciaire » et des « compétences revisitées ».

Le bâtonnier, craint de voir « sa » cour d’appel reléguée au rang de simple « service détaché », sans pouvoir budgétaire et confiné au « petit contentieux ». « La chancellerie veut faire coïncider l’activité des cours d’appel [trente-deux actuellement] avec celle des nouvelles régions [au nombre de treize]. Elle évite de parler de redécoupage de la carte judiciaire car elle sait le sujet explosif, mais ce qui se prépare est encore plus insidieux que la réforme Dati, dénonce son confrère, Me Djaffar Belhamici. Il s’agit, au final, d’assécher l’activité de nos juridictions. »