Le prix Nobel de Chimie a été attribué, mercredi 4 octobre, au Suisse Jacques Dubochet, ancien chercheur de l’université de Lausanne, à l’Américain d’origine allemande Joachim Frank (université de Columbia) et au Britannique Richard Henderson (université de Cambridge) pour leurs travaux sur la cryo-microscopie électronique, qui a simplifié et amélioré l’imagerie des biomolécules.

Représentation d’une enzyme obtenue par cryo-microscopie électronique, avec une résolution croissante de la gauche vers la droite. La partie droite représente l’état de l’art en 2013. | Martin Högbom, Stockholm University.

« Cette méthode a fait entrer la biochimie dans une nouvelle ère », souligne l’Académie royale des sciences dans un communiqué. « Les chercheurs peuvent désormais visualiser des processus qu’ils n’avaient jamais vu auparavant, ce qui est décisif tant pour la compréhension fondamentale de la chimie de la vie que pour le développement de médicaments. »

On a longtemps cru que la microscopie électronique était réservée à la matière inerte: le bombardement d’électrons était susceptible d’endommager les molécules du vivant, tandis que le vide faisait s’évaporer l’eau qui est leur milieu « naturel ». Autre inconvénient: la microscopie électronique ne livrait que des images floues, en deux dimensions. Les lauréats font partie d’une longue lignée de scientifiques qui se sont ingéniés à changer la donne.

En 1990, Richard Henderson est parvenu à générer une image en trois dimensions d’une protéine, avec une résolution atomique. Il avait été aidé en cela par les travaux de Joachim Franck: entre 1975 et 1986, celui-ci avait développé des méthodes de traitement d’image permettant de fusionner une série d’images en deux dimensions pour obtenir une structure fine en trois dimensions. Le mérite de Jacques Dubochet a ensuite été d’introduire l’eau dans la microscopie électronique, au début des années 1980. Il est parvenu à refroidir quasi instantanément l’eau contenue dans les échantillons, afin qu’elle soit vitrifiée, et non cristallisée - ce qui nuit à la visualisation des structures observées. Les molécules ainsi emprisonnées pouvaient alors être saisies « sur le vif », dans différentes configurations « naturelles ».

Depuis ces travaux, la technique de cryo-microscopie n’a fait que s’affiner, permettant d’accéder à des biomolécules toujours plus petites - au point de concurrencer en précision, voire de surpasser en commodité d’utilisation, les lignes de rayons X des synchrotrons. L’un des succès récents dans ce domaine a été la détermination de la structure tridimensionnelle de l’hémoglobine. Mais la structure du virus Zika, ou de protéines à l’origine de la résistance des bactéries aux antibiotiques, font aussi partie d’images récentes: « la biochimie fait désormais l’objet d’une développement explosif et est prête pour un avenir excitant », se réjouit le comité Nobel dans son communiqué.

Jacques Dubochet est né en 1942 à Aigle, en Suisse, Joachim Frank, en 1940 à Siegen, en Allemagne, et Richard Henderson en 1945 à Edimbourg.