Imaginons que la Catalogne proclame son indépendance dans les jours à venir. « Là, les choses sont assez claires. La Catalogne indépendante ne serait pas membre de l’Union européenne. L’Union européenne ne connaît qu’un Etat membre, l’Espagne », a affirmé, mercredi 4 octobre, Pierre Moscovici invité de l’émission « Questions d’info » sur LCP en partenariat avec Le Monde, l’AFP et France Info.

Pour le commissaire européen chargé des affaires économiques, le bras de fer entre Madrid et Barcelone est une « affaire douloureuse qui doit être traitée par les Espagnols. Ce n’est pas à Bruxelles ni à Paris, ni ailleurs que cette situation va être réglée », a-t-il déclaré. M. Moscovici a néanmoins appelé au dialogue et à l’apaisement en évoquant « des images de violence qui ont légitimement choqué. La solution ne peut pas être la confrontation. On doit forcément mettre en place des instances de dialogue », a-t-il fait valoir.

Nécessité d’un budget de la zone euro

Alors que plusieurs régions en Europe réclament davantage d’autonomie, le commissaire européen a affirmé ne pas craindre « la contagion » ni « le délitement » de l’UE mais il a estimé que le cas catalan posait le problème « des inégalités de développement entre régions ».

« Ce sont souvent les régions les plus riches qui veulent leur indépendance et cela soulève le problème du traitement des inégalités territoriales, a-t-il expliqué. Dès lors que les inégalités ne peuvent pas être traitées complètement dans le cadre national, l’Europe a un rôle à jouer. La convergence économique est une question politique majeure. »

Selon lui, l’affaire catalane illustre la nécessité d’un budget de la zone euro qui permettrait « de muscler l’investissement et faire davantage converger les économies ». Rappelant qu’il militait pour cette avancée depuis 2013, il s’est montré optimiste : « Je pense qu’il y a aujourd’hui une fenêtre d’opportunité qui n’existait pas ces dernières années. » Et de citer « la victoire d’Emmanuel Macron, l’orientation européenne d’Angela Merkel et la volonté politique de la commission Juncker ».

C’est, selon M. Moscovici, au sommet de la zone euro en juin 2018 qu’une feuille de route pourrait se dessiner sur plusieurs années. Mais certaines décisions pourraient aller plus vite que d’autres. « La création d’un poste de ministre des finances de la zone euro, qui serait aussi président de l’Eurogroupe, ça peut se faire immédiatement et sans traité », a-t-il fait valoir.

Hostile à la suppression de l’ISF

Interrogé sur la politique française, Pierre Moscovici a critiqué, à titre personnel, la suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF) qui sera prochainement remplacé par un impôt sur la fortune immobilière.

« Je pense qu’il faut être capable de marier la liberté économique et le combat contre les inégalités. Or, les inégalités sont extrêmement concentrées dans ce pays et l’ISF est l’un des rares impôts anti-rente dont nous disposons », a-t-il déclaré.

M. Moscovici s’en est par ailleurs vivement pris à Jean-Luc Mélenchon et aux « insoumis » qui ont tenté grâce à un amendement au règlement de l’Assemblée nationale de faire retirer le drapeau européen de l’hémicycle. « Le drapeau européen n’est pas le drapeau d’une entité qui nous est extérieure, c’est notre drapeau », a-t-il souligné en dénonçant « le nationalisme rampant, le refus de l’Europe » de La France insoumise. « Une gauche qui n’est pas européenne n’est pas de gauche, c’est une gauche qui se situe en dehors du champ de la réalité », a-t-il encore accusé.

Le commissaire européen, dont le mandat expire en 2019, entend à l’évidence peser dans la reconstruction de la gauche. « Je ne prendrai pas ma retraite en 2019 », a prévenu M. Moscovici en faisant valoir sa triple expérience européenne, française et d’homme de gauche.