Documentaire sur Arte+7

Dans le ventre de l'hôpital - bande-annonce - ARTE
Durée : 00:31

Au bloc opératoire de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, l’un des grands établissements parisiens de l’Assistance publique (AP-HP), chirurgiens, anesthésistes et aides-soignants travaillent à flux tendu. Chaque jour, ils ­effectuent huit à dix interventions (parfois très pointues) dans les quatorze salles d’opération en suivant des protocoles d’organisation assez complexes que les gestionnaires cherchent à « optimiser » en permanence.

La pression est forte pour le ­personnel médical qui, au fil du temps, a vu la rentabilité éco­nomique de l’hôpital remplacer l’humanité et l’empathie pour les malades. Le mal-être s’est installé, les états d’âme se sont exprimés, et les tensions sont devenues de plus en plus intenses au sein des équipes. Pour certains, ce fut même le burn-out.

Passion et abnégation

Entre 2014 et 2016, le réalisateur Jérôme Le Maire – qui s’est ­inspiré du livre Global burn-out, de Pascal Chabot (PUF, 2013), sur le syndrome d’épuisement ­professionnel –, s’est installé pendant un an, sans filmer, au sein de cette unité médicale pour écouter et observer ce qui s’y passait. Il a ensuite tourné seul, pendant une autre année, le quotidien de ces professionnels qui, avec une grande abnégation et parfois encore de la passion, soignent, réparent et sauvent des vies.

« J’ai procédé un peu comme un chirurgien qui va opérer, disons, un ménisque : il pose d’abord un champ opératoire et, pendant son intervention, ne se concentre que sur son objet », explique le réalisateur. Derrière les portes des salles d’opération, il a pu constater que le malaise était général et a filmé au plus près leurs conditions de ­travail de plus en plus précaires.

Entre deux interventions où les engueulades sont fréquentes ­entre les différents intervenants et les réunions qui tournent aux règlements de comptes, il a ­recueilli la parole de ces professionnels qui confient leurs états d’âme, expriment leurs souffrances et leur détresse. « On n’est plus que des pions qui faisons tourner la machine », constate amèrement un chirurgien qui auparavant était considéré « comme un prince » dans l’hôpital.

Au coeur du bloc opératoire de l’hôpital Saint Louis / © Jérôme le Maire-AT-Doc

« Les conditions de travail se sont dégradées, mais le travail, lui, ne doit pas se dégrader », poursuit un autre. « Je ne sais plus quel est le sens de mon métier », dit encore une anesthésiste au bord des ­larmes, qui a lancé l’alerte auprès de ses supérieurs pour signaler les dégâts humains liés au mauvais fonctionnement de ce service.

Cette intervention a obligé la ­direction de l’hôpital à lancer un audit. « Dans le jargon des spécialistes du burn-out, on appelle ce genre de personne une “toxic handler”, quelqu’un capable de percevoir ce qui se passe dans son environnement et de prendre à son compte la souffrance de ses collaborateurs », explique Jérôme Le Maire.

L'hôpital au bord du burn out
Durée : 01:54

Cette immersion au cœur du personnel hospitalier est impressionnante, et même parfois ­inquiétante. Après la projection du documentaire dans différents hôpitaux, la direction de l’AP-HP qui avait donné son autorisation de filmer dans le service, a critiqué la démarche du réalisateur. Elle ­estime que Jérôme Le Maire a réalisé « un film à thèse sur le burn-out en l’illustrant par des scènes ­tournées au bloc opératoire et en sélectionnant les images nécessaires à sa démonstration dans la matière très riche recueillie au cours de ses années de présence ».

Dans le ventre de l’hôpital, de Jérôme Le Maire (France, 2015, 83 min).