Gilles Clément et le président d’Orticolario, Moritz Mantero. / L. JEDWAB/« LE MONDE »

C’est en Lombardie, sur les bords du lac de Côme, à Cernobbio, qu’a eu lieu, du jeudi 30 septembre au dimanche 1er octobre, la 9e édition d’Orticolario, un événément horticole qui mettait à l’honneur cette année une fleur, le fuchsia, et un thème, la lune. Cela a aussi été l’occasion pour les invités et de nombreux visiteurs de rencontrer l’auteur du Jardin en mouvement, Gilles Clément, célébré avec chaleur par ses admirateurs italiens.

Si la réputation de Cernobbio a franchi les frontières, c’est en partie grâce à un ancien palazzo transformé en palace au XIXe siècle, la Villa d’Este, doté d’un extraordinaire jardin Renaissance agrémenté d’un spectaculaire mur de mosaïques et de nymphées. Cette villégiature de rêve (à ne pas confondre avec son homonyme de Tivoli, près de Rome), aujourd’hui luxueux hôtel cinq étoiles, a vu défiler le Gotha des cours d’Europe. Avant de servir d’écrin aux dieux et déesses d’Hollywood : Rita Hayworth, Orson Welles, Clark Gable, Frank Sinatra, Liz Taylor ou, plus près de nous, Robert De Niro ou Georges Clooney, venu en voisin depuis sa villa L’Oleandra.

Le jeune Luchino passa ses vacances à la Villa Erba, avec ses six frères et sœurs

Mais c’est dans une autre villa, tout aussi chargée d’histoire, que s’est installé Orticolario : la Villa Erba, qui a appartenu à l’aristocratique famille Visconti, celle-là même de l’auteur des Damnés. C’est là que le jeune Luchino passa ses vacances, avec ses six frères et sœurs, dans une famille riche, dixit le cinéaste lui-même, mais dont le père, « bien qu’aristocrate, n’était ni stupide ni inculte ». Sa mère, profondément admirée, « aimait beaucoup la vie mondaine, les grands bals, les fêtes fastueuses ». Et il n’est pas étonnant que la villa et son parc, jusqu’à l’embarcadère sur le lac, l’aient inspiré, tant pour la salle de bal du Guépard que pour l’atmosphère balnéaire de Mort à Venise. Il y retournera même en 1972, pour effectuer le montage de son film sur Louis II de Bavière, Ludwig.

Un émouvant musée

Vendue par les héritiers Visconti en 1986 à un consortium public, la villa abrite, entre autres, un émouvant musée et sert de cadre à des événements culturels ou festifs. Le parc, lui, a été loti d’un centre d’expositions et de conférences, et c’est dans cet ensemble que se déploie chaque année la manifestation horticole présidée par son fondateur, Moritz Mantero, le descendant d’une lignée d’entrepreneurs du textile de luxe basée à Côme. C’est dans une élégante veste d’un jaune très floral que celui-ci se prête aux explications et entreprend avec Gilles Clément la visite des différentes installations végétales qui concourent sur le thème de la lune. Celles-ci ont pour nom « Dark Side of the Moon » ou « Dentro alla Luna ». Très fifties, l’installation du pavillon central, hors concours, s’intitule… « Luna-Park ».

Si, présentés dans les différents stands, plantes rares, objets décoratifs ou meubles de jardin au fameux design italien ne manquent pas de capter l’attention des visiteurs, c’est bien sûr la conférence de Gilles Clément, organisée par la revue transalpine Gardenia, qui est à retenir. C’est dans un dialogue avec l’écrivain et historien des jardins Marco Martella que le paysagiste français a séduit son auditoire. Il a été question de « giardiniere planetario », de « giardino in movimento » et de « terzo paesaggio ». L’idée de la réconciliation de l’homme avec la nature, la planète étant un seul et grand jardin, qu’il faille faire avec la nature et non pas contre elle ou que les « délaissés » urbains (le tiers paysage) constituent un réservoir de biodiversité a incontestablement semé sa graine.

Sur le Web : orticolario.it

« Moonlight Garden », le projet de Leonardo Magatti, conçu en écoutant… la « Sonate au clair de lune », de Beethoven. / L. JEDWAB/« LE MONDE »