Jacques Chirac en 1982. Il est alors maire de Paris. / Jacques Cuinières/Roger-Viollet

Le 29 novembre, Jacques Chirac aura 85 ans. Reclus dans un hôtel particulier de la rue de Tournon prêté par le milliardaire François Pinault, coupé du monde par la maladie, enfermé dans un tête-à-tête avec Bernadette son épouse, le vieux président est quand même parvenu à faire la « une » de Paris Match le 28 septembre (« Le crépuscule »), alors que pas moins de sept livres lui seront consacrés dans les semaines qui viennent. A l’heure de la fin inéluctable, l’ex-maire de Paris dont l’annonce – à chaque fois démentie – de la mort a déjà plongé à plusieurs reprises les rédactions dans la panique, semble garder intacte sa capacité d’attraction, mêlée aussi d’une fascination morbide.

« Les plus jeunes adorent son côté vintage, DS noire et clope au bec. » Eric Lefeuvre, photographe

De passage à Genève où il assurait la promotion de son Dictionnaire amoureux de la République (Plon), Jean-Louis Debré s’est étonné auprès de son auditoire : « Je suis là pour vous parler des institutions et vous me parlez de Chirac, toujours Chirac ». L’ancien président de l’Assemblée nationale, qui sortira le 12 octobre le deuxième volume de ses souvenirs (Tu le raconteras plus tard, Robert Laffont), a une théorie : « Chirac suscite aujourd’hui un regard nostalgique, parce qu’il incarne une époque où il y avait encore des héros politiques. Les Français lui savent gré de les avoir aimés, même si tous les Français ne l’aimaient pas. » Joliment dit.

Il n’empêche que les quarante-cinq ans de carrière politique et dizaines d’ouvrages dont il a été l’objet devraient avoir apaisé la curiosité de ses compatriotes. « C’est comme le tombeau d’un pharaon, il y a toujours des pièces secrètes », explique le journaliste Arnaud Ardoin qui vient de publier Président, la nuit vient de tomber (Cherche Midi). L’auteur a recueilli les confidences de Daniel Le Conte qui fut jusqu’à sa mort, en juillet, le dernier compagnon de route de l’ancien chef de l’État, le fil qui le reliait encore au monde, après avoir été naguère son chef adjoint de cabinet à l’Élysée. De ce récit crépusculaire émerge la figure d’un homme totalement seul, n’ayant résisté à aucune tentation et aujourd’hui cornaqué par sa femme et sa fille, perdu dans un monde auquel personne n’a accès. Un Chirac mystique également, aussi à l’aise avec les rituels chamanistes du pays dogon qu’à l’heure de l’apéro dans un bistrot de Corrèze. « Chirac tient debout grâce à l’équilibre de ses contradictions. Qu’en restera-t-il à travers le tamis du temps ?, s’interroge Ardoin. L’Irak, les arts premiers, les femmes, la dissolution, l’opportunisme, l’humanité profonde ? »

Un pari sur sa disparition ?

C’est au contraire à un Chirac bien vivant que s’intéressent le photographe Éric Lefeuvre et l’ancienne journaliste Laurence Masurel avec Jacques Chirac, coulisses d’un destin (La Martinière, à paraître le 19 octobre). L’un et l’autre ont une petite vingtaine d’années quand ils croisent la route du futur président pour la première fois. Pour l’homme d’image, « Chirac est le dernier des rassembleurs, même si son bilan est contrasté. Les plus jeunes adorent son côté vintage, DS noire et clope au bec ». « Il commet des erreurs énormes, il change de doctrine, il tombe, il se relève, abonde la journaliste. Mais il y a une forme d’indulgence pour le personnage. On aimait ce type aux bras ouverts. »

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Près de dix ans ont passé depuis qu’il a quitté l’Élysée, en mai 2007. C’est le temps qu’il faut pour que la mode et la nostalgie vous remettent au goût du jour. Chirac, Assad et les autres de Manon-Nour Tannous (PUF, 18 octobre) ; Jacques Chirac, une vie pour la France de Christian Boyer (Taillandier, 2 novembre) ; Un anthropologue nommé Chirac d’Alain Nicolas (L’Archipel, 15 novembre) et Jacques Chirac a dit…, de Laurent Pfaadt (Mazarine, 27 décembre) viendront compléter ce mausolée de papier. Des funérailles de son vivant ? Un pari sur sa disparition prochaine ? Une attachée de presse d’un des livres publiés n’est pas dupe : « Les médias sont très intéressés par mon bouquin, mais beaucoup me disent : “On vous contactera le jour de sa mort.” »