Téléfilm sur Arte à 20 h 55

Un ciel radieux - bande-annonce - ARTE
Durée : 00:31

Le premier long plan fixe d’Un ciel radieux dit l’inverse de ce que suggère le titre. Dans un couloir d’hôpital, assis à quelques mètres de distance, un couple et une femme accompagnée de sa petite fille attendent respectivement des nouvelles de leur fils et de son mari, victimes dans la nuit d’un accident de la route. Le premier, Léo, jeune lycéen, est dans le coma, le second, Vincent, n’a plus que quelques minutes à vivre.

Un mois a passé, Léo se réveille et ne comprend pas. Il n’est pas Léo. Ses parents sont des inconnus. Son caractère n’est pas celui que l’on évoque devant lui – une tête brûlée sympathique mais incorrigible –, mais plutôt celui d’un homme soucieux et abîmé. Et puis, les images qui lui reviennent en mémoire sont celles d’un mari et d’un père aimant mais absent, surmené par des heures de travail dont il pense qu’elles le sauveront d’un plan de licenciement. Léo est bien forcé de se rendre à l’évidence : dans cette enveloppe corporelle qui est la sienne habite désormais Vincent.

Une fragilité qui nourrit la poésie

Adapté du roman graphique de Jirô Taniguchi, le téléfilm de Nicolas Boukhrief met en scène la réincarnation comme une simple affaire, une histoire banale dont on se surprend à ne jamais douter – grâce à la retenue des dialogues et à l’interprétation de haut vol que délivre le jeune acteur Léo Legrand –, mais dont le caractère étrange nous est signalé par des partis esthétiques tranchés, décalés. Le cinéaste ayant su profiter de l’espace de liberté que lui offrait l’univers dépouillé du mangaka pour inscrire sa propre signature, jouer l’alternance des gros plans et des plans-séquences, des plongées et des contre-plongées, des cadres serrés et des profondeurs de champs.

Dimitri Storoge dans « Un ciel radieux », de Nicolas Boukhrief. / © REMY GRANDROQUES

Un ciel radieux tient sur ce fil – traitement réaliste de l’histoire et étrangeté de la forme –, en équilibre fragile, une fragilité capable de nourrir la poésie, la délicatesse et la mélancolie d’un propos qui conduit à une réflexion sur la mort, le deuil, la croyance. Nicolas Boukhrief a de la pudeur. Il la transmet à son film en ayant l’air de ne pas y toucher alors même qu’elle relève d’une rigueur de chaque instant (direction d’acteurs, axes caméra, montage). Paradoxalement, ce maintien qui offre une assise au film lui permet aussi de s’élever vers cette forme de spiritualité auquel il prétend. Sans l’imposer ni peser.

Un ciel radieux, de Nicolas Boukhrief. Avec Léo Legrand, Dimitri Storoge, Armande Boulanger (France, 2017, 96 min).