Le siège de la banque catalane Caixa, à Barcelone, le 5 octobre. / PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

L’indépendance de la Catalogne, les entrepreneurs n’y croient toujours pas. Mais ils sont inquiets et certains ont déjà pris leurs précautions, à l’image des nombreuses entreprises catalanes qui ont décidé de transférer leurs sièges sociaux hors de la région.

Ainsi, Anton Vert, propriétaire d’une entreprise familiale de métallurgie à Lérida, vient d’ouvrir un compte bancaire à Fraga, une petite localité toute proche, située en Aragon, « pour assurer les paiements de mes fournisseurs, au cas où les choses tourneraient mal ».

Antonio Santamaría, qui possède une petite fabrique de matériel de sport près de Barcelone, a pris rendez-vous lundi dans une banque de la localité côtière de Vinaroz, dans la région de Valence, au sud de la Catalogne, pour ouvrir lui aussi un compte, « car on se sait jamais ».

Jordi Vazquez, consultant d’entreprise, est assailli par ses clients qui n’avaient pas envisagé de « plan B » et s’interrogent sur l’éventualité de transférer leurs sièges sociaux à Madrid. « Ceux qui n’y avaient pas pensé n’arrêtent pas de m’appeler », souligne-t-il.

La décision prise par les deux grandes banques catalanes, Sabadell et la Caixa, de déménager leurs sièges sociaux est « essentiellement politique et symbolique, car elle ne va pas avoir d’effets à court terme, estime M. Vazquez. Mais elle a changé la donne. Les milieux d’affaires, même les plus indépendantistes, ont pris peur ».

Sentiment de tristesse

Les entrepreneurs français partagent cette inquiétude, à laquelle s’ajoute un sentiment de tristesse de « voir une société si profondément divisée », assure Philippe Saman, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie française à Barcelone, qui représente 450 entreprises. « Il n’est pas envisageable un seul instant que la Catalogne puisse être en dehors de l’Union européenne. Cela changerait l’environnement dans lequel on travaille », observe M. Saman.

Laurent Renard, fondateur et directeur de Toro Development, une entreprise de logiciels, s’est installé à Barcelone il y a quatre ans, en provenance de Taipei (Taïwan). « Comme les 250 start-up françaises qui se sont établies dans cette ville, nous sommes venus profiter de son tissu de développeurs et de sa main-d’œuvre bon marché. » Il n’a pas prévu de « plan B ». « S’il le faut, nous serons très pragmatiques », affirme-t-il.

Jacques Reynaud, directeur du développement international de Polyglot group, un cabinet de conseil en ressources humaines, est sur la même ligne : « Nous sommes suffisamment petits pour déménager en cas de besoin, mais pour l’instant, ce n’est pas prévu. »

D’abord installé à Madrid, M. Reynaud est venu à Barcelone, encouragé par Accio, l’agence de développement économique du gouvernement catalan. Il regrette aujourd’hui que les entreprises catalanes n’aient pas mieux communiqué sur les risques d’une éventuelle indépendance.