Alexandre Lacazette, le 7 octobre à Sofia. / FRANCK FIFE / AFP

« Alex a fait de bonnes choses. Il manque de promptitude sur son occasion en première période. Il a été dans son registre. » A l’heure d’analyser la performance de son avant-centre Alexandre Lacazette après la pénible victoire de l’équipe de France en Bulgarie (1-0), samedi 7 octobre, Didier Deschamps est resté bien en place. Défensif, tout en sobriété, et laissant traîner un petit tacle l’air de rien, avec cette histoire de registre qui peut s’entendre dans un sens comme dans l’autre. Le souci pour Alexandre Lacazette, c’est que ses performances en bleu tendent forcément pour le verre à moitié vide, voire même aux trois quarts.

Titularisé en sélection pour la première fois dans un match décisif, l’ancien Lyonnais a livré une prestation somnanbulesque. A l’image, certes, du reste de l’équipe, sauf qu’elle s’inscrit effectivement dans un registre qui commence à devenir celui du « Tristesse Club » pour l’intéressé. Le dernier message posté sur le compte Twitter du joueur le montre pourtant avec un grand sourire, au-dessus du mot-clé #WorldSmileDay. Mais sur la photo, publiée la veille du match en Bulgarie, il arbore le maillot d’Arsenal.

Il traîne son spleen

Et selon nos statistiques, qui sont ce qu’elles sont, l’attaquant n’a réussi avec le maillot tricolore que deux sourires pendant les quatre-vingt-treize minutes de la rencontre à Sofia. Le premier à la 3e minute lorsqu’il est venu féliciter en bon camarade Blaise Matuidi pour son but, le second au retour des vestiaires, juste avant le coup d’envoi de la seconde période, lorsqu’il discutait avec Antoine Griezmann et Kylian Mbappé, blaguant sans doute sur l’indigence du spectacle à venir.

Le reste du temps, le jeune homme a semblé traîner son spleen sur le front de l’attaque, victime de la performance collective des Bleus ce soir-là, mais aussi de la sienne. Toujours selon nos statistiques réalisées sans contrôle d’huissier, Alexandre Lacazette a eu deux occasions. Et comme un président qui ne devrait pas dire ça, un buteur de niveau international ne devrait pas rater celle qui s’est présentée à lui aux alentours de la demi-heure de jeu.

Une récupération haute des Bleus dans le camp bulgare, une passe en profondeur pour lancer l’avant-centre, et un duel à venir contre le portier adverse. Vint alors, comme le dit gentiment Didier Deschamps, le manque de « promptitude », ou d’efficacité, de vivacité, de vitesse d’exécution – rayez la mention inutile –, un manque de ce presque rien ou de ce je-ne-sais-quoi qui fait justement toute la classe d’un joueur décisif au plus haut niveau. Après un contrôle un peu trop mou et un démarrage un peu trop lent, Lacazette permettait à un défenseur bulgare de revenir contrer son tir d’un très joli tacle et devenir l’homme décisif de cette action à la place du Français.

Le nouveau Guivarc’h ?

Une faculté de rater le moment qui fit penser à un autre tacle, celui de son coéquipier Thomas Lemar lors du France-Pays-Bas du 31 août (4-0). Le Monégasque, auteur d’un doublé, s’était jeté comme un mort de faim pour marquer dans le but vide, sur un ballon que l’on pensait promis à Lacazette, qui arrivait juste derrière. L’attaquant ne leva les bras que pour féliciter son partenaire, sans cacher une moue boudeuse, car oui c’était trop injuste. En Bulgarie comme ailleurs, Lacazette a encore échoué à débloquer son compteur en bleu, lui qui ne compte qu’une seule réalisation en 14 sélections. Un but marqué lors d’un match amical contre le Danemark… le 29 mars 2015. Une éternité.

Se repose alors la question de sa titularisation lors du prochain match décisif, mardi 10 octobre à Saint-Denis contre la Biélorussie, et plus globalement de sa place en sélection, voire même de sa capacité à exister au niveau international, alors même qu’il a brillé sous les couleurs de l’Olympique lyonnais, et ne se débrouille pas mal sous son nouveau maillot d’Arsenal (4 buts en 7 matchs depuis le début de saison).

La carrière internationale d’Alexandre Lacazette ressemble d’ailleurs à celle d’un ancien Gunner. L’Anglais Ian Wright fut dans les années 1990 une terreur des surfaces avec Arsenal, dont il fut le meilleur buteur historique (185 buts) avant d’être détrôné par Thierry Henry huit ans plus tard, mais en équipe d’Angleterre, il ne parvint jamais à s’imposer, ne scorant que 9 fois en 33 sélections.

La France a aussi connu son lot de grands buteurs de clubs, de Nicolas Ouédec (7 sélections, 1 but) à Stéphane Guivarc’h, sacré meilleur buteur du championnat de France en 1997 et 1998, mais n’ayant inscrit qu’un seul but en 14 sélections en équipe de France. Cela ne l’empêchera pas de soulever la Coupe du monde 1998 avec les Bleus, au bout d’une finale ratée à titre personnel, plutôt réussie au niveau collectif. Vu comme ça, il est peut-être urgent d’installer Alexandre Lacazette à la pointe de l’équipe de France.