Les journalistes Christophe Barbier (à g.) et Dominique de Montvalon (au centre), animateurs d’un débat avec Florian Philippot, le 2 octobre au Théâtre de Poche Montparnasse, à Paris. / Guillemette Faure

Lundi 2 octobre, au débat « macron, acte II » au Théâtre de Poche-Montparnasse, à Paris. Elles sont assises au deuxième rang, deux amies, la soixantaine, programme culturel ouvert pour les prochaines semaines. « Sinon, y a La Cantatrice chauve… » Mais à Ionesco elles ont préféré Philippot. Ce soir, au Théâtre de Poche-Montparnasse, les fauteuils rouges sont occupés par des gens venus voir un spectacle-débat dont l’invité d’honneur est l’ancien vice-président du Front national.

Dans l’entrée, un homme s’allume une cigarette. Il est chez lui, c’est Philippe Tesson, fondateur du Quotidien de Paris et actuel directeur du théâtre du 6e arrondissement. Le voilà qui grimpe sur scène pour introduire ce débat animé par Christophe Barbier. L’ancien ministre Luc Ferry n’est pas là, il est désolé. Sa mère a eu un souci de santé. Le journaliste Dominique de Montvalon le remplacera. Attendus sur scène encore, le chroniqueur économique Nicolas Bouzou et le député MoDem Jean-Louis Bourlanges. Et maintenant l’invité d’honneur. « C’est un garçon… Enfin pour moi, c’est un enfant… J’ai nommé Florian Philippot… »

Philippot « aux roses », Barbier dompteur

Au tour de Christophe Barbier, un autre amateur de théâtre (son « Dictionnaire amoureux du théâtre » est en vente à la caisse). « Faites long Barbier, ils ont payé », lui a dit Tesson. C’est vrai, 26 euros. L’ancien directeur de la rédaction de L’Express a préparé un texte plein de bons mots sur « le président dont la cote de popularité va le faire renommer président Micron, et c’est pour ça qu’il a nommé Bruno Roger-Petit », et des blagues sur Philippot aux roses et Philippot au feu. À son invité : « On dit que vous avez le caractère de Chevènement, l’humour de Pasqua et la probité de Séguin. Ça vaut mieux que l’humour de Chevènement, le caractère de Séguin et la probité de Pasqua. » (Rires.)

« J’avais cette étiquette lourde du Front national. Quand vous ne l’avez plus, vous êtes plus léger et on vous voit plus léger… » Florian Philippot

Christophe Barbier, ce soir, ne porte pas son écharpe rouge. Non, il est, dit-il, déguisé en dompteur. Pantalon à bande latérale, veste à épaulettes dorées, on l’aurait plutôt pris pour un Monsieur Loyal. L’effet cirque est inattendu pour un débat qui s’ouvre sur l’attentat de Marseille et les questions de sécurité intérieure. Les trois débatteurs trouvent le projet de loi antiterroriste très bien. Philippot est le seul réservé, inquiet de « la contamination du droit commun par le droit d’exception ». Quant au lien entre immigration et sécurité (une question qui ne doit plus être taboue, conviennent les trois débatteurs), le nouveau Philippot l’associe à la question du développement. Maîtriser l’immigration, ça passe par l’électrification de l’Afrique, il en a parlé avec Jean-Louis Borloo. Oui, il cite Borloo maintenant. Ou Montebourg (« on aimerait bien le rencontrer… Je ne dis pas que c’est un allié, mais ce qu’il représente, ça nous parle »).

Je n’ai pas changé

« Ce que dit Florian Philippot, tout le monde en convient… à part quelques militants France insoumise… Je ne sais pas si c’est lui qui nous rejoint ou nous qui le rejoignons », constate Jean-Louis Bourlanges. « J’aime beaucoup Florian Philippot », admet aussi sur scène Dominique de Montvalon. « Nous assistons ce soir au retour de Florian Philippot au naturel. Je me demande ce que vous faisiez au Front national… » L’ex-bras droit de Marine Le Pen leur répète pourtant : il n’a pas changé. « J’avais cette étiquette lourde du Front national. Quand vous ne l’avez plus, vous êtes plus léger et on vous voit plus léger… »

C’est l’effet des étiquettes qu’on perd. A celui qui ne quitta un parti d’extrême droite que parce qu’il ne pouvait plus y peser, on pose des questions comme à n’importe qui. Un second tour Macron-Mélenchon ? Il aurait voté Mélenchon. Il a eu l’occasion de discuter avec lui dans un RER, quand il était étudiant à HEC. Il lui voit un avenir limité, contraint par son entourage hétérogène. Chacun opine en écoutant le nouveau gourou. Il raconte que le Front national n’est pas la machine qu’ils imaginent, que c’est « bordélique à souhait… ». L’effondrement de sa candidate au débat ? Il regrette, ça partait si bien. « Je pourrais dire plein de trucs pour l’enfoncer. J’ai pas envie. »

« Cette mélancolie et cette tristesse, cette douceur et cette dureté… Ça ne vous fait pas penser à quelqu’un ? », demande Philippe Tesson au public. A Philippe Séguin !

L’ISF ? Il est pour son maintien. Il serait pour la taxation des assurances-vie pour développer le capital-risque en France. Pour un peu, il parlerait de start-up nation. Il n’y a plus que sur l’Europe que ça achoppe. Lier la dette publique à l’appartenance européenne, l’économiste Nicolas Bouzou ne peut pas laisser dire ça ! Enfin une contradiction.

Montvalon le met en garde, il ne faudrait pas qu’il devienne « un gaulliste tendance Marie-France Garaud. Vous avez un autre destin devant vous… ». Bourlanges voudrait savoir quel autre métier il aurait pu exercer « car vous avez quand même beaucoup de talent ».

La salle aurait des questions mais Philippot doit filer. Après son départ, Philippe Tesson remonte sur scène. « Cette mélancolie et cette tristesse, cette douceur et cette dureté… Ça ne vous fait pas penser à quelqu’un ? », demande-t-il au public. Bien sûr, à un personnage de Tchekhov, mais aussi à Séguin ! Voilà, Florian Philippot lui rappelle Philippe Séguin ! L’ancien numéro deux du FN n’est plus là pour réagir. Sur son compte Twitter, il a juste posté le selfie pris avec Barbier et les autres dans sa loge et remercié pour les échanges intéressants.