Mark Rutte à La Haye, le 6 septembre. / ROBIN UTRECHT / AFP

Aucun des quatre partis concernés n’a rêvé de cette formule mais elle était, finalement, la seule possible aux Pays-Bas. Le Parti populaire libéral et démocrate (VVD) du premier ministre sortant Mark Rutte, l’Appel chrétien-démocrate (CDA), les centristes réformateurs de D66 et la petite formation protestante ChristenUnie (CU) ont annoncé, lundi 9 octobre, qu’ils avaient conclu un accord de gouvernement. Les discussions auront duré 208 jours, égalant le record national de la plus longue formation qui avait été établi en 1977 – loin toutefois de la « performance » belge de 541 jours, en juin 2011.

Dans la soirée, les groupes parlementaires des quatre formations ont approuvé un programme qui devait être dévoilé mardi. Il est intitulé « Confiance dans l’avenir », ce qui fait peut-être aussi référence à l’apparente fragilité de cette coalition à quatre, qui ne disposera que d’une voix de majorité à la Deuxième chambre (76 députés sur 150).

« Très, très heureux », M. Rutte va désormais pouvoir s’atteler à la formation de son troisième gouvernement, qui devrait être présenté dans une quinzaine de jours. Il a d’abord dû vaincre les questions et les réticences de son groupe parlementaire, qui ne lui a donné son blanc-seing qu’après plusieurs heures de discussion, peu avant minuit. Les députés libéraux du VVD s’inquiètent notamment d’un projet de taxation des propriétaires.

Electorat éparpillé

Beaucoup d’autres points ont été longuement débattus au fil des semaines qui ont suivi les élections de mars, marquées par la victoire du Parti libéral sur le Parti pour la liberté du député d’extrême droite Geert Wilders, mais aussi par un éparpillement de l’électorat qui a rendu très complexe la confection d’une majorité. D’autant que personne n’entendait négocier avec la gauche radicale et que le Parti social-démocrate, sévèrement battu, avait opté pour une cure d’opposition.

Les premières discussions ont donc impliqué le parti écologiste GroenLinks, du jeune député Jesse Klaver, passé de 4 sièges à 14. Elles ont échoué sur les questions d’immigration. Les centristes de D66, partisans d’une alliance de centre gauche, ont dès lors dû se résoudre à accepter la présence de ChristenUnie à la table, malgré des désaccords flagrants sur les droits des homosexuels, l’extension éventuelle de la loi sur l’euthanasie ou la politique en matière de drogue. « Négocier avec CU était ma cinquième option, je dis bien la cinquième », insistait lundi Alexander Pechthold, le dirigeant de D66, tout en évoquant un accord « équilibré et durable ». M. Pechtold a indiqué en tout cas qu’il ne briguait pas de portefeuille ministériel.

Malgré leurs réticences, les quatre partis ont, à chaque fois, été ramenés à la réalité des chiffres : soit ils finissaient par s’entendre, soit il fallait convoquer de nouvelles élections qui auraient pu rouvrir la voie à M. Wilders, voire à d’autres formations populistes, comme celle du juriste Thierry Baudet, figure d’une nouvelle « droite alternative ». M. Baudet s’est illustré au Parlement la semaine dernière en arborant une tenue de combat lors d’un débat où étaient évoquées les carences d’équipement des soldats néerlandais en mission.

Moins d’aides aux réfugiés

Selon des sources proches des négociateurs, le programme du nouveau gouvernement devrait comporter un important volet sécuritaire avec des moyens supplémentaires pour la police, les parquets et l’armée. Les libérations anticipées des délinquants seraient limitées, la lutte contre la cybercriminalité et le trafic de drogue, renforcée. En parallèle serait lancée une expérience de culture de cannabis sous le contrôle de l’Etat. Dans le domaine éthique, la recherche sur les embryons serait élargie mais aucune extension de la loi sur l’euthanasie ne serait envisagée.

L’un des axes importants de la politique de « Rutte III » devrait être la fiscalité, avec l’instauration de deux taux d’imposition seulement (36,9 % et 49,5 % en fonction du niveau de revenus, supérieur ou non à 69 000 euros brut). L’impôt sur les dividendes serait supprimé pour attirer davantage d’entreprises étrangères tandis que l’impôt sur les sociétés serait réduit de plusieurs points.

Dans le domaine de la migration, les aides financières accordées aux réfugiés seraient réduites et huit centres de rétention pour migrants illégaux créés. Les enfants de clandestins ne bénéficieraient plus de mesures de clémence. Enfin, le marché du travail devrait être rendu plus « flexible », avec un assouplissement du droit de licenciement et la possibilité, pour les employeurs, de multiplier jusqu’à trois années les contrats temporaires, ainsi que de limiter à un an le versement du salaire à un employé malade.