La décision crée la polémique : le conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes du Var a autorisé à exercer trois anciens élèves du Centre libre d’enseignement supérieur international (Clesi), une école privée condamnée à fermer, en 2016, par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Ces étudiants avaient contourné le numerus clausus en vigueur en France, et le difficile concours de fin de première année de médecine, en se formant deux ans au Clesi, près de Toulon, puis trois ans au Portugal, au sein d’une université privée partenaire. Ils ont fait valoir la reconnaissance de diplômes européens pour demander – avec succès – leur inscription à l’ordre.

La Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) y voit « un scandale sanitaire annoncé », explique le docteur Nicolas Cabarrou, qui s’était engagé précocement dans le combat contre le Clesi, ouvert en 2012 :

« Le jour où on aura une grosse erreur médicale, une paralysie ou une erreur de prescription, ce ne serait pas seulement la responsabilité de ces chirurgiens-dentistes qui serait engagée, mais aussi celle des institutions qui les ont autorisés à exercer », prévient-il.

La FDSL a ainsi interpellé le conseil départemental de l’ordre, puis fait appel de sa décision devant le conseil interrégional de l’ordre. Elle estime que l’« obligation de vérification des parcours et de la formation des candidats à l’inscription au Tableau n’a manifestement pas été effectuée », alors que l’enseignement en médecine dentaire reçu était « illégal et dépourvu de tout contrôle des autorités de tutelle françaises ou portugaises ».

« Une plainte pour “tromperie” toujours en cours »

L’école privée avait été une première fois condamnée à fermer en 2014, décision confirmée en 2016 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. « Nous nous sommes aussi associés à une plainte pour “tromperie” auprès du parquet de Toulon, dont l’instruction est toujours en cours, car, pour nous, ces diplômes ne sont pas conformes aux réglementations européennes », ajoute Catherine Mojaïsky, présidente d’un autre syndicat, la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD).

Le directeur du Clesi, Bruno Ravaz, réfute ces critiques : « Ils ont des diplômes validés au Portugal, reconnus dans toute l’Europe », a-t-il déclaré à l’AFP, assurant qu’une « cinquantaine » d’autres jeunes diplômés – outre les trois du Var – seraient déjà inscrits dans d’autres départements de France au registre de l’ordre.

« Nous n’avons pas de garantie sur la qualité de la formation », y compris au Portugal, déplore Mme Mojaïsky, qui préconise une vérification des capacités professionnelles des odontologues diplômés d’autres pays européens, et une éventuelle mise à niveau, en s’inspirant de ce qui se pratique pour les futurs médecins : « Des diplômés rentrent en France à l’occasion des épreuves classantes nationales (ECN, ex-internat). Lorsque leur formation est insuffisante, leurs chefs de service aménagent des parcours pour qu’ils puissent rattraper les éléments de formation qui leur manquent. »

La reconnaissance automatique de diplômes

Une enquête réalisée en mars 2016 auprès de 23 300 jeunes diplômés en chirurgie dentaire dans l’Union européenne avait montré que 10 % d’entre eux n’avaient pas effectué de soins durant leur formation.

Mme Mojaïsky a appelé les ministères de la santé et de l’enseignement supérieur à sensibiliser leurs homologues de l’Union européenne. Elle suggère aussi que les autorités européennes puissent suspendre la reconnaissance automatique de diplômes, car « dans certains pays, ces formations sont devenues un business, et certains peuvent s’engouffrer dans les failles du système ».

Si le Clesi n’a plus le droit d’enseigner, il propose toujours, sous son nom et sous celui d’ESEM France (écoles supérieures d’études médicales), des « formations médicales sans concours » et l’accès à des « diplômes européens » par l’intermédiaire d’universités partenaires, sur des « campus » à Toulon, Béziers, Irun (pays basque espagnol), Porto et Lisbonne (Portugal), indiquent les sites Internet de ces écoles.