Documentaire sur Arte à 22 h 35

Aux confins de l’Asie centrale, des autoroutes viennent désormais serpenter dans la steppe. Le bitume borde les yourtes isolées d’autrefois. En 2013, le secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping, fraîchement installé au pouvoir, lançait ce qui serait le pilier de sa politique étrangère : le projet des « nouvelles routes de la soie ».

Le chef de l’Etat-parti n’est pas le premier à faire le constat de la centralité de cette région dans le jeu géopolitique. Dans Le Grand Echiquier (Hachette, 1997), un classique de l’étude des relations internationales, Zbigniew Brzezinski, ex-conseiller à la sécurité du président américain Jimmy Carter, mettait l’Eurasie au centre des rivalités entre grandes puissances et insistait sur la zone déterminante qu’est l’Asie centrale pour assurer la domination américaine dans un monde post-soviétique.

La Chine, quant à elle, a fait le constat de perspectives bouchées à l’Est, figées par la crise du nucléaire nord-coréen, la haine historique du Japon et, plus loin, la concurrence stratégique avec les Etats-Unis. Il convient donc pour elle de pousser vers l’ouest, tant pour maintenir ses exportations, et donc sa croissance, que pour élargir sa sphère d’influence politique. Les experts chinois ne dissimulent pas que derrière les investissements économiques, ils anticipent des retombées politiques évidentes. L’autoritarisme chinois a des ambitions stratégiques de long terme, à l’heure où Donald Trump rêve de repli.

Le pont de Guozigou dans la province du Xinjiang. / © MORGANE PRODUCTION

La spécificité de la Chine est de se jeter dans l’arène à coups d’infrastructures. Ce sont ces nouveaux tracés, ferroviaires ou routiers mais toujours politiques, qu’ont explorés les journalistes Laurent Bouit, Nicolas Sridi et Pierre Tiessen. Côté chinois, leur périple passe par Chongqing, nouvelle Manhattan orientale sur le fleuve Yangzi.

L’immense cité vient aujour­d’hui remplacer les villes-usines de la côte sud-ouest chinoise pour devenir le premier centre de production d’ordinateurs du pays. C’est de là que sortent les ordi­nateurs de marque Acer. La main-d’œuvre y reste moins chère que dans la Chine de l’Est. Mais il y a 2 000 km à parcourir à travers les terres pour atteindre les ports de marchandises de la côte, c’est pour­quoi la Chine tente, par trains de 41 wagons conteneurs, d’exporter vers l’Europe, en douze jours seulement contre huit semaines par la voie maritime qui mène les navires par le détroit de Malacca et le canal de Suez.

Gommer les distances

Le périple se poursuit au Kazakhstan, avec lequel Pékin souhaite multiplier les échanges. Pour cela, la Chine, qui, en une décennie, a construit 80 000 kilomètres d’autoroutes et 20 000 km de lignes de train à grande vitesse entend gommer les distances. Le président kazakh, Noursoultan Nazarbaïev, à la tête de son pays depuis presque trois décennies, a qualifié l’ambition chinoise de faire renaître la route de la soie de « projet du siècle ». A Aktioubé, sur les champs pétrolifères kazakhs, ce sont avant tout des travailleurs chinois qu’emploie le géant Petrochina. Dans cette même ville, des manifestants se sont élevés, au printemps 2016, contre une loi sur l’acquisition des terres arables, pas convaincus que le partenariat avec la Chine est « gagnant-gagnant », comme Pékin aime à le répéter.

Chine, à la conquête de l’Ouest, de Laurent Bouit, Nicolas Sridi et Pierre Tiessen (Fr., 2016, 55 min).