Abdelkader Merah dessiné lors de l’ouverture de son procès pour complicité d’assassinats, le 3 octobre 2017 à Paris. / BENOIT PEYRUCQ / AFP

Pas une larme, pas un mot plus haut que l’autre, la gorge parfois nouée, de longs silences avant de répondre. Premier témoin direct des tueries de Mohamed Merah appelé à la barre, devant la cour d’assises spéciale de Paris, Yacov Soussan s’y est présenté, mardi 10 octobre, avec retenue. « Je peux raconter ce que j’ai vu », a-t-il commencé.

Alors, l’ancien bénévole de l’école Ozar Hatorah de Toulouse, kippa sur la tête, a raconté les trente-six secondes du massacre du 19 mars 2012, trente-six secondes qu’il a si souvent revécues depuis. Son arrivée sur les lieux à 7 h 55, cinq minutes avant la prière matinale. L’homme au casque qui traverse la rue et abat Jonathan Sandler et ses deux enfants, Arié et Gabriel, 5 et 3 ans, avant de tirer à bout touchant sur Myriam Monsonego, 8 ans, qui avait fait demi-tour pour ramasser son cartable perdu dans sa fuite. « Ça n’était pas des tirs, c’étaient des exécutions. »

« Angoisse »

Lui-même visé sans être atteint par Mohamed Merah, le trentenaire raconte également les conséquences, visibles ou non, de l’attaque. Son départ de Toulouse, sa « culpabilité » de n’avoir pu sauver personne, son « angoisse », encore aujourd’hui, quand un conducteur de scooter casqué arrive à son niveau. Et l’obligation d’aller de l’avant, pour « prouver qu’on existe et que, malgré les persécutions, on sera toujours là ».

« Est-ce qu’en entendant le récit fait par M. Soussan vous éprouvez de la honte par rapport aux faits qui ont été commis ce matin-là ? », demande Me Elie Korchia, avocat des parties civiles, à Abdelkader Merah, jugé pour complicité d’assassinats. L’accusé se lève, bafouille, ôte ses lunettes, reprend : « Comment peut-on en arriver là, s’entre-tuer entre nous ? On croit au même dieu, on est des frères de religion, je suis en état d’émotion. ll y a tout un mélange de tristesse, de honte, de regret. »

Difficile de juger de sa sincérité puisqu’il a fallu poser à deux reprises la question, mais c’est la première fois depuis mars 2012 que mot « honte » sort de la bouche d’Abdelkader Merah au sujet des actes de son jeune frère.