Le ministre allemand Wolfgang Schäuble et le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem, lors d’une réunion du club des ministres des finances de la zone euro à Luxembourg, le 9 octobre 2017. / ERIC VIDAL / REUTERS

Editorial du « Monde ». Wolfgang Schäuble n’a pas la réputation d’être un boute-en-train. Jusqu’au bout, il aura joué les trouble-fête. Tirant sa révérence, lundi 9 octobre, le ministre allemand des finances, qui quitte son poste après huit ans de bons et loyaux services, n’a pu s’empêcher de lancer un dernier avertissement : les risques d’une nouvelle crise financière sont toujours là, a-t-il déclaré au Financial Times, face à « l’accumulation de quantités toujours croissantes de liquidités et à l’augmentation des dettes publiques et privées ».

M. Schäuble, qui ne disparaît pas du paysage politique puisqu’il va prendre la présidence du Bundestag, veut éviter que les argentiers de la zone euro ne se laissent bercer par les sirènes de la reprise économique. Le Fonds monétaire international (FMI) vient en effet de relever d’un point ses prévisions de croissance mondiale, qu’il annonce à 3,8 % pour 2017 et 2018 ; cerise sur le gâteau, le FMI a souligné la vigueur de la ­reprise dans la zone euro, dont le PIB devrait croître de 2,1 % en 2017 – beaucoup mieux que le 1,7 % annoncé au printemps.

Le ministre allemand, qui réclame depuis longtemps à la Banque centrale européenne (BCE) de renoncer à son programme d’achat d’actifs, souligne en particulier le danger de « nouvelles bulles » qui se sont formées sous l’effet des milliers de milliards injectés sur les marchés par les banques centrales.

Pour Schäuble, priorité à la stabilité

M. Schäuble, qui participait lundi à sa 113e réunion de l’Eurogroupe, ne pouvait pas non plus quitter ses dix-huit collègues européens sans un cadeau de départ. Celui-ci a pris la forme d’une note interne de trois pages de son ministère, une sorte de testament exprimant sa vision de l’avenir de la zone euro. La tonalité n’en surprendra personne : l’Allemand donne la priorité non pas à la convergence et à la solidarité, ­chères aux pays du Sud, mais à la stabilité.

Pour lui, l’axe principal du renforcement de la zone euro est celui de la transformation du Mécanisme européen de stabilité (MES) en Fonds monétaire européen. Et il n’est pas question que le MES, avec ses 500 milliards d’euros de capital disponibles, serve de bras armé à un futur budget de la zone euro. Le ministre sortant met ainsi ses ­collègues en garde contre « une nouvelle fonction de stabilisateur sous la forme d’une nouvelle capacité d’endettement ».

Il n’échappera non plus à personne que la position de Wolfgang Schäuble n’épouse pas franchement les propositions du président Emmanuel Macron. Celui-ci préconise, pour réformer la zone euro, un budget de la zone euro et, à sa tête, un ministre des finances de la zone euro, contrôlé par un Par­lement de la zone euro. C’est donc en priorité à la France que s’adresse ce cadeau de départ du ministre allemand : sacré Schäuble !

Avec beaucoup de bon sens, la Commission européenne a tenté mercredi de mettre tout le monde d’accord en rappelant une vérité de base : il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Avant de commencer à lancer de nouveaux chantiers sur les réformes institutionnelles de la zone euro, peut-être faudrait-il penser à achever les travaux en cours. Ce sont ceux de l’union bancaire, indispensable dans un contexte de fragilité persistante de certaines banques.

Il manque encore, pour compléter l’architecture de celle-ci, un mécanisme européen d’assurance des dépôts bancaires. La Commission a raison : la finalisation de l’union bancaire est une étape préalable essentielle à toute autre réforme de la zone euro.