Dans un climat social encore agité par les ordonnances, Emmanuel Macron ouvre, jeudi 12 octobre, le deuxième grand chantier social de son quinquennat, celui de l’assurance-chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

La méthode du gouvernement est la même que pour la réforme du code du travail. Le président de la République donnera le coup d’envoi de la concertation en recevant les principaux chefs de file des organisations syndicales et patronales.

Jean-Claude Mailly (Force ouvrière, FO) ouvrira le bal à 9 heures et sera suivi par Philippe Martinez (Confédération générale du travail, CGT) à 10 heures, François Hommeril (Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres, CFE-CGC) à 11 heures, Alain Griset (Union des entreprises de proximité, U2P) à midi, Pierre Gattaz (Medef) à 15 heures, Philippe Louis (Confédération française des travailleurs chrétiens, CFTC) à 16 heures et François Asselin (Confédération des petites et moyennes entreprises, CPME) à 17 heures. Indisponible jeudi, Laurent Berger (Confédération française démocratique du travail, CFDT), sera reçu vendredi à 9 heures.

La concertation se poursuivra avec des rencontres bilatérales à Matignon, avant que se tiennent des discussions plus techniques avec le cabinet de la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Le processus doit déboucher au printemps sur un projet de loi, en vue d’une adoption définitive à l’été.

Menace d’une mobilisation

Le menu est copieux : ouvrir l’assurance-chômage aux indépendants et aux démissionnaires, rendre l’apprentissage plus attractif et simplifier la formation professionnelle. Et le contexte, envenimé par le mécontentement syndical vis-à-vis des ordonnances réformant le code du travail, risque de compliquer les discussions.

Pour le gouvernement, la réforme vise à offrir aux travailleurs davantage de protection, après avoir donné plus de liberté aux entreprises grâce aux ordonnances.

L’assurance-chômage est le point le plus délicat. Et la question inquiète les partenaires sociaux, patronat compris, même si l’Elysée assure vouloir garder « un système qui indemnise bien ». Au-delà de son extension, l’exécutif compte en modifier le financement et la gouvernance. Le régime ne serait plus uniquement financé par les cotisations, mais également par l’impôt (contribution sociale généralisée, CSG), et il passerait d’une gestion paritaire par les partenaires sociaux à une gestion tripartite avec un pilotage de l’Etat.

« Tout ce qui ressemble à un ménage à trois ou à une dilution des responsabilités est susceptible d’affecter négativement le bon fonctionnement du dispositif », a récemment mis en garde Alexandre Saubot, président (Medef) de l’Unedic, le gestionnaire de l’assurance-chômage. Sa vice-présidente, Patricia Ferrand (CFDT), a, elle, défendu la « vraie valeur ajoutée » des partenaires sociaux.

Autre crainte des syndicats : que l’indemnisation des indépendants et des démissionnaires, qui pourrait se chiffrer en milliards d’euros, n’entraîne une baisse des allocations. Il est « hors de question » que « cela se fasse en pompant les droits des autres chômeurs indemnisés », avertissait Laurent Berger début octobre. Son syndicat, qui refuse de manifester contre les ordonnances, n’exclut pas de descendre dans la rue s’il n’est pas écouté sur l’assurance-chômage. La CGT et FO ont, elles aussi, brandi la menace d’une mobilisation.

Les discussions plus poussées sur l’Unedic commenceront « vers la mi-novembre », souligne l’Elysée. Les questions de l’apprentissage et de la formation professionnelle auront, elle, été traitées avant.

Entamer les prérogatives des partenaires sociaux

La réforme de la formation professionnelle inquiète également. Le gouvernement veut renforcer les droits individuels à la formation des actifs, en s’appuyant sur le compte personnel de formation (CPF) déjà existant.

Mais cela risque d’entamer les prérogatives des partenaires sociaux puisqu’une partie des cotisations formation des entreprises, aujourd’hui collectées et gérées par des organismes paritaires – les OPCA – serait réorientée pour financer directement le CPF. Munis de leurs droits individuels, les actifs pourraient ainsi s’adresser directement aux prestataires de formation, sans intermédiaire.

Le dernier thème, l’apprentissage, est moins explosif, mais tout aussi complexe. L’objectif est de rendre plus attractif ce dispositif de formation initiale en alternance, dont l’efficacité est reconnue. Cette ambition, brandie par tous les gouvernements successifs, n’a jamais été atteinte : les effectifs d’apprentis plafonnent autour de 420 000, loin de la cible maintes fois fixée à 500 000.

Pour vaincre la malédiction, la stratégie du gouvernement repose sur trois piliers : simplifier le financement et les aides, mieux informer les jeunes et leur famille sur les débouchés professionnels, et impliquer les partenaires sociaux des branches professionnelles dans l’élaboration des contenus pédagogiques.