Donald Trump avant son discour sur l’accord nucléaire iranien, à Washington le 13 octobre. / Susan Walsh / AP

Editorial du « Monde ». Le monde est prévenu. Les Etats-Unis n’ont pas de parole. Il devient difficile de négocier avec eux : l’Amérique de Donald Trump n’est pas fiable. Sa politique étrangère est soumise aux caprices d’un président dont la marque première est l’incohérence, doublée d’un royal mépris pour les alliés de Washington. Telle est la triste leçon des décisions annoncées vendredi 13 octobre par la Maison Blanche sur la question nucléaire iranienne.

M. Trump a entrepris de saper l’accord sur le contrôle du programme nucléaire de Téhéran conclu le 14 juillet 2015. Sans jamais expliquer pourquoi, il n’a cessé de qualifier ce document de « pire » accord jamais conclu par les Etats-Unis – sans doute par opposition infantile à tout ce qu’a fait son prédécesseur, Barack Obama. Ses plus proches collaborateurs en matière de sécurité ont tous dit, publiquement, qu’il était « dans l’intérêt national des Etats-Unis » de préserver cet accord. Les Européens y sont attachés.

Deux ans de difficiles négociations

Mais il importe d’abord et avant tout à M. Trump de ne pas perdre la face. Alors, sans sortir formellement de l’accord de Vienne, il l’ébranle et le fragilise. La norme américaine lui impose de certifier tous les trois mois que l’Iran applique bien les clauses de l’accord. Le président s’y refuse aujourd’hui et a transmis le dossier au Congrès, qui a deux mois pour décider du sort de ce document.

Celui-ci a été élaboré entre la République islamique d’un côté et, de l’autre, la Chine, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Russie – les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU – ainsi que l’Allemagne. En contrepartie d’une levée des sanctions économiques auquel il était soumis, l’Iran réduit, considérablement, son programme nucléaire et le soumet au contrôle permanent de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Si le Congrès revient sur la levée des sanctions liées au nucléaire, cela équivaudra à sortir de l’accord et conduira vraisemblablement l’Iran à faire de même. Téhéran pourra reprendre le chemin de l’arme nucléaire. M. Trump ne recommande pas au Congrès d’agir ainsi. Il exhorte les élus à obtenir des « améliorations » de l’accord, avec l’aide des Européens, bref à revenir sur deux ans de difficiles négociations. D’une manière ou d’une autre, le délicat consensus de Vienne est fragilisé.

M. Trump se justifie en dénonçant la politique étrangère expansive de Téhéran dans le monde arabe – qui ne relève pas de l’accord. Il stigmatise la République islamique. Il donne des arguments aux « durs » du régime, et notamment au corps des gardiens de la révolution, qui ont toujours été contre cet accord. Pour justifier leurs menées au Moyen-Orient, ils peuvent maintenant évoquer l’autodéfense face à la « déclaration de guerre » américaine. Le retour à l’embargo consoliderait l’empire économique qu’ils ont bâti pour contourner les sanctions. L’incohérence américaine est ici à son comble.

Elle se double d’une mauvaise manière faite à la solidarité entre alliés : M. Trump se moque éperdument de l’opinion des Européens dans cette affaire. Plus grave, peut-être, pour les Etats-Unis est le coup porté à leur crédibilité. Si, par hasard, la Corée du Nord était tentée par une négociation avec l’Amérique, elle risque d’en être dissuadée par un président qui, pour une raison aussi futile que celle de ménager son ego, ne respecte pas les engagements pris par Washington. Le monde est aujourd’hui encore un peu plus dangereux.