Au Festival d’Angoulême, le 28 janvier. / YOHAN BONNET / AFP

C’était il y a presque deux ans, une tempête sans précédent avait soufflé sur le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, après la communication d’une liste de 30 noms exclusivement masculins en vue de l’élection du Grand Prix attribué par la manifestation. L’idée s’était alors installée que le 9e art était un monde d’hommes, fait par des hommes (les auteurs) à destination d’autres hommes (les lecteurs). Une étude rendue publique, mardi 17 octobre, par le Syndicat national de l’édition (SNE) et l’institut GfK devrait abolir définitivement ce préjugé.

Le nombre d’auteures continue à progresser

Réalisée auprès d’un panel de 15 000 personnes, l’enquête révèle en effet que les acheteurs de BD sont majoritairement des femmes (53 %). Celles-ci s’avèrent presque aussi nombreuses que les acheteuses de littérature générale (59 %), même si 64 % des albums qu’elles acquièrent sont destinés à être offerts à un tiers. « Elles continuent, certes, d’acheter des albums à leurs enfants, mais nous avons là la confirmation qu’elles sont aussi des lectrices régulières de bande dessinée, souligne Moïse Kissous, le patron de Steinkis Groupe, qui a supervisé l’étude du SNE. Notre enquête démontre qu’elles sont friandes de mangas, de comics et de romans graphiques. L’augmentation de ce lectorat féminin s’inscrit dans une évolution plus large qui voit également le nombre d’auteures progresser, ainsi que la quantité d’offres éditoriales de qualité. »

Un budget annuel de 200 euros

Intitulée « La bande dessinée, une pratique de premier plan : qui en lit ? Qui en achète ? », l’étude du SNE esquisse, plus généralement, un profil de lecteur/trice assez éloigné de l’archétype du fan de BD, masculin en l’occurrence. Il (elle) est âgé(e) de 41 ans en moyenne, appartient plutôt aux catégories socioprofessionnelles supérieures (48 % de CSP+) et achète très majoritairement (97 %) d’autres types de livres, soit 19 ouvrages en tout par an, dont 5 BD, pour un budget annuel de 200 euros.

Amorcé avec l’émergence du roman graphique il y a une dizaine d’années, ce décloisonnement du public doit encore être converti commercialement dans les points de vente, estime toutefois M. Kissous : « Il y a encore beaucoup de librairies généralistes qui ne vendent pas de bande dessinée, faute de place, ou qui cantonnent certains albums à leur rayon BD alors qu’ils pourraient se trouver en sciences humaines par exemple. »