« Vue du château de Mme d’Enville », d’Hubert Robert, huile sur toile. / MUSÉES DE LA VILLE DE ROUEN

Le peintre Hubert Robert (1733-1808) eut une longue carrière et une œuvre prolifique, où les paysages italiens, les ruines et les… incendies occupèrent une place de choix. Il fit l’objet d’une exposition majeure au Louvre en 2016. Celle du château de La Roche-Guyon, bien que plus modeste, n’en est pas moins passionnante, car elle met l’accent sur un aspect méconnu de l’activité de ce touche-à-tout talentueux : l’art des jardins. Et cela sur les lieux mêmes où elle s’exerça.

Formé à l’Académie de France à Rome à l’occasion d’un séjour de plus de dix ans en Italie, Hubert Robert s’imprégna des nombreux paysages qu’il arpenta lors de son « Grand Tour ». Revenu en France en 1765, il fut reçu l’année suivante à l’Académie royale de peinture et de sculpture comme « peintre d’architecture ». La mode était à l’antique, et cette mode avait même un nom : l’« anticomanie ». Les compositions nées de ses souvenirs de voyage et enrichies par une imagination érudite et fertile connaîtront un grand succès.

Riches commanditaires

Dispensant des cours de dessin à quelques membres éclairés de l’aristocratie, il répondit aux sollicitations de riches commanditaires. Ainsi les « Vues de Normandie » (reproduites dans l’exposition), quatre panneaux peints du décor du palais de l’archevêque de Rouen, Dominique de La Rochefoucauld, futur émigré à… Maastricht. C’est probablement par l’entremise de celui-ci qu’Hubert Robert fut introduit auprès des propriétaires de La Roche-Guyon, les Rohan-Chabot et les La Rochefoucauld. Et c’est tout aussi probablement à son intention que fut peinte la très belle Vue du château de Mme d’Enville (le château de La Roche-Guyon), prêtée par le Musée des beaux-arts de Rouen.

Dans le jardin anglais du château de La Roche-Guyon. / AMAND BERTEIGNE

C’est à La Roche-Guyon qu’Hubert Robert exerça ses premiers talents de « paysagiste » (le mot ne désignait pas encore les concepteurs de jardins). Le « jardin anglais », avec sa « promenade conçue comme une machine à regarder le paysage » (Marie-Laure Atger, la directrice de l’Etablissement public du château), était parsemé de « fabriques ». Escaliers, balustrades, grottes ou cascades, ces fabriques étaient des « constructions que l’industrie humaine ajoute à la Nature pour l’embellissement des jardins », selon les mots d’un contemporain rapportés par l’historienne Monique Mosser.

« Robert des ruines »

Hubert Robert acquit une telle réputation en la matière qu’il fut nommé « dessinateur des Jardins du Roi ». Il conçut le décor des Bains d’Apollon, à Versailles, avec grotte, cascade et bassin, dessina le Hameau de la Reine, au Petit Trianon, et la laiterie du château de Rambouillet, toujours pour Marie-Antoinette. Il conseilla également, pour son parc d’Ermenonville, le marquis de Girardin, l’hôte de Jean-Jacques Rousseau. Et il conçut surtout, pour le marquis de Laborde, le parc de Méréville, qu’il peignit à plusieurs reprises (les tableaux étant réunis à l’occasion de l’exposition).

« Le Passage de la tour de Guy », de Catherine Pachowski, photographie. / CATHERINE PACHOWSKI

Emprisonné pendant quelques mois, avant le 9 Thermidor, Hubert Robert continua à dessiner et à peindre jusque dans sa prison, avant d’être libéré et nommé conservateur du futur Musée du Louvre, qu’il a peint à ciel ouvert et envahi par la végétation.

C’est par une exposition de photographies que se termine le parcours : celles, dues à Catherine Pachowski, des fascinantes fabriques de celui à qui la postérité a gardé le surnom de « Robert des ruines ».

« Hubert Robert et la fabrique des jardins », château de La Roche-Guyon, La Roche-Guyon (Val-d’Oise). Tél. : 01-34-79-74-42. Jusqu’au 26 novembre. Catalogue : 29 €. Possibilités exceptionnelles de visiter le jardin anglais.