A Shanghaï, le 26 septembre, un portrait du secrétaire général du Parti communiste chinois Xi Jinping, entouré de ceux de Mao et de Lei Feng, soldat modèle mis en avant par la propagande du régime. / ALY SONG / REUTERS

Le 19e congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui s’ouvre à Pékin, mercredi 18 octobre, pour une semaine au Palais du peuple, place Tiananmen, en plein cœur de la capitale, est le grand rendez-vous de la vie politique du pays. Il a pour mission de renouveler les instances dirigeantes du parti unique qui gouverne la Chine, en l’occurrence le Comité central du parti (205 membres), puis son nouveau bureau politique (25 membres) et son Comité permanent (7 membres).

Si l’actuel secrétaire général et président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, doit être reconduit pour un second mandat à la tête du parti, comme il est d’usage, la composition de la nouvelle direction sera scrutée à la loupe dans ce qu’elle dit de la consolidation de son pouvoir et des plans de succession. Les amendements attendus à la charte du parti renseigneront, eux, sur le choix de l’apport idéologique de Xi Jinping à l’édification du socialisme à caractéristiques chinoises.

Ce vaste processus cyclique de désignation des équipes dirigeantes permet un renouvellement générationnel important au sein des instances collégiales du parti, qui est sans doute l’une des forces du système autoritaire chinois. Selon le politologue sino-américain Cheng Li, les membres de la sixième génération (Xi Jinping incarne la cinquième) formeront sans doute la majorité du Comité central issu du 19e congrès, contre à peine 18 % pour le Comité central sortant.

Comment se déroule le congrès ?

Le 19e congrès va s’ouvrir sur le rapport d’activité du Comité central sortant. Lu par Xi Jinping et rédigé sous son autorité, il reflète de manière très formatée et consensuelle les grandes étapes du mandat écoulé. Le parti procédera ensuite au renouvellement de ses instances dirigeantes. 2 280 délégués issus d’une quarantaine de circonscriptions électorales (les provinces, mais aussi l’armée, la police ou encore les sociétés d’Etat) vont « élire » les 205 membres du Comité central et leurs 171 suppléants. L’élimination d’environ 10 % des candidats, et la publication du nombre de voix rassemblées par les membres suppléants, est la seule indication du degré d’impopularité de certains candidats. Il faut savoir que lors de son entrée au Comité central comme membre suppléant lors du 15e Congrès de 1997, Xi Jinping arriva… en dernier sur la liste.

Pour le reste, c’est la sélection par le haut qui prime : « On n’a jamais vu un futur secrétaire provincial, ministre ou, a fortiori, membre potentiel du Bureau politique, même impopulaire parmi les délégués, ne pas être élu dans un premier temps au Comité central et encore moins parmi la longue liste des délégués au Congrès », écrit Jean-Pierre Cabestan dans son ouvrage de référence sur le système politique chinois (Le Nouvel Equilibre autoritaire, Presses de Sciences Po, 2014).

Le nouveau Comité central issu du 19e congrès va, lors de son premier plénum, désigner le Bureau politique et, surtout, l’instance suprême de direction du parti, le Comité permanent. Là encore, pas de vote : les listes sont préparées en haut lieu, selon les règles non écrites d’ancienneté et à la suite d’obscures négociations et jeux d’équilibres entre les différentes forces en présence. Le Comité central désigne également la Commission disciplinaire centrale du parti, qui a pris une très grande importance sous Xi Jinping puisqu’elle mène la lutte contre la corruption, ainsi que la Commission militaire centrale, dont le format pourrait être remanié.

Quels en sont les enjeux ?

Le principal enjeu est finalement la « stabilité » de la transition politique – c’est-à-dire son inscription dans un ensemble de règles formelles et informelles qui évitent les coups de force imprévus et les manœuvres souterraines à l’approche d’une succession. Cette année, de nombreux sièges sont à pourvoir en raison de départs à la retraite ou de purges : 5 sur 7 au Comité permanent, 12 sur 25 au Bureau politique, et 5 sur 11 à la Commission militaire centrale – sans compter de nombreux sièges du Comité central. C’est bien sûr la composition du Comité permanent, annoncé lors du premier plénum du nouveau Congrès, le lendemain de sa clôture le 25 octobre, qui importe le plus.

Dans son étude des quatre congrès précédents, la sinologue américaine Alice Miller a relevé la prévalence de trois règles pour la sélection des futurs membres du Comité permanent : la limite d’âge (68 ans pour les entrants), le passage préalable par le Bureau politique, sauf éventuellement pour les deux successeurs désignés du président et du premier ministre, et enfin, l’ancienneté. Ce modèle lui permet de projeter un assortiment réduit d’élus potentiels. Le respect ou nom de ces règles par un Xi Jinping qui a bousculé certains usages établis du parti et reconcentré le pouvoir dans ses mains, est l’objet de débats féroces chez les observateurs de la politique chinoise.

Xi Jinping va-t-il dynamiter les règles ?

Xi Jinping a d’ores et déjà remis en question le duo d’hommes politique appartenant à la sixième génération et programmé pour lui succéder ainsi qu’au premier ministre : l’un d’entre eux, Sun Zhengcai, ex-secrétaire du parti de Chongqing et plus jeune membre du Bureau politique, a été arrêté pour corruption et expulsé du parti il y a quelques semaines ; le second, Hu Chunhua, actuel secrétaire du parti du Guangdong, est toujours en lice. Il pourrait être rejoint au Comité permanent par Chen Min’er, un proche de M. Xi justement placé à la tête de Chongqing en remplacement de M. Sun. M. Chen, dans ce cas, passerait directement au Comité permanent sans passer par le Bureau politique, comme le fit Xi Jinping en 2007.

Les trois autres sièges iraient par ordre d’ancienneté à des membres actuels du Bureau politique de la cinquième génération. On y trouverait des proches alliés de Xi Jinping, comme Li Zhanshu ou Zhao Leji, mais aussi des représentants de la seule faction rivale d’importance, celle qui rassemble les cadres ayant fait leurs premières armes, comme l’actuel premier ministre Li Keqiang, au sein de la Ligue de la jeunesse (à l’instar par exemple de Wang Yang). Celle-ci a toutefois été sciemment affaiblie par Xi Jinping. Son premier secrétaire, Qin Yizhi, a récemment été démis de ses fonctions. Tout indique que Xi Jinping va faire monter sa faction, connue sous le nom d’« armée du Zhijiang », dans les provinces et les grandes institutions.

Que va devenir Wang Qishan, chargé de la lutte anticorruption ?

Le style de gouvernance de Xi Jinping a amené les observateurs de la politique chinoise à se dire qu’il était l’homme d’une certaine rupture : va-t-il remodeler la direction du parti, ou rester pour un troisième mandat ? Le sort de l’actuel chef de la redoutable Commission centrale de discipline du parti, le bras anticorruption, nourrit les spéculations. M. Wang, 69 ans et membre de l’actuel Comité permanent, est censé prendre sa retraite, puisque l’usage veut qu’on n’y entre plus au-delà de 68 ans. Or, Xi Jinping pourrait souhaiter garder à ses côtés cet allié extrêmement précieux et efficace. Et en passant outre la règle de la « retraite », créer un précédent pour rester lui-même au pouvoir après le 20e congrès, en 2022.

Sur ce point comme sur d’autres, le journaliste chinois Wang Xiangwei, qui distille des tribunes très informées dans le South China Morning Post de Hongkong, les changements « pourraient être beaucoup moins spectaculaires que beaucoup ne le pensent » : M. Xi « sera préoccupé en toute probabilité de maintenir la continuité politique et la stabilité au moment de considérer des candidats aux postes suprêmes ». M. Wang présage pour Wang Qishan un rôle à la tête « d’un ou deux groupes dirigeants » mis en place par M. Xi pour imposer ses décisions aux instances existantes du parti et du gouvernement dans les domaines économiques, militaires, mais aussi de sécurité.