Pierre Gattaz, président du Medef, le 17 octobre 2017. / BERTRAND GUAY / AFP

C’est l’une de ces petites phrases dont Pierre Gattaz a le secret, prononcée au détour d’un flot de revendications classiques du patronat, mais qui a pour effet de susciter la polémique. Lors d’une conférence de presse, le président du Medef a estimé, mardi 17 octobre, qu’il fallait exercer un « contrôle journalier ou hebdomadaire » sur les demandeurs d’emploi. « L’assurance-chômage est un outil indispensable pour sécuriser les salariés en transition, mais il faut que le système soit incitatif à la reprise d’emploi et aide réellement à retrouver un emploi », a-t-il soutenu. Et d’ajouter : « Il ne faut pas qu’il donne un confort fictif qui entraîne encore plus de difficultés quand il prend fin. »

Ses déclarations, qui interviennent au moment même où le gouvernement s’apprête à engager une concertation avec les partenaires sociaux sur la réforme de l’assurance-chômage, ont déclenché de vives réactions. Sur le réseau social Twitter a très vite fusé le mot dièse « fais ton gattaz », qui invite les internautes à faire des propositions de contrôle jugées outrancières.

« Dans une discussion, rien ne doit être exclu », a déclaré, mercredi, Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, à l’issue du conseil des ministres. Tout en considérant que le président du Medef était « légitime » à poser cette question, il a confié qu’« on peut imaginer assez facilement qu’il risque de ne pas avoir le succès qu’il escompte ». « On pense qu’il est plus utile d’accompagner au quotidien les demandeurs d’emploi que de les fliquer tous les jours », dit, pour sa part, Véronique Descacq, la numéro deux de la CFDT.

Au Medef, on explique que l’enjeu ne se situe pas dans la fréquence des vérifications. « Contrôler, ça ne veut pas dire sanctionner, justifie-t-on dans l’entourage de M. Gattaz. Les entreprises, les citoyens, sont contrôlés tous les jours. » Le problème, poursuit cette même source, c’est que le fonctionnement du système serait opaque : « On ne sait pas ce que les personnes inscrites à Pôle emploi font. Ce n’est pas normal qu’elles mettent sept mois en moyenne avant d’entrer en formation. Il faut ouvrir cette boîte noire, instaurer un système de contrôle pertinent et ciblé. »

Des dispositions peu appliquées

A l’heure actuelle, les chômeurs sont tenus d’effectuer « une recherche d’emploi active, concrète et justifiable au moyen de preuves ». S’ils repoussent « à deux reprises sans motif légitime une offre raisonnable [de poste] », ils sont susceptibles d’être radiés des listes et de perdre leur allocation.

L’expérience a toutefois montré que ces dispositions étaient peu appliquées. Après une expérimentation lancée en 2013 dans plusieurs régions (Franche-Comté, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur), Pôle emploi a généralisé, il y a deux ans, le contrôle de la recherche d’emploi, avec des équipes de conseillers exclusivement tournés vers cette mission. Le bilan de ce dispositif est toujours en cours, à ce stade. « On demande les résultats avec insistance », confie Mme Descacq. Mais il semble que la mise en œuvre de cette mesure se soit déroulée sans problème notable. Le médiateur national de Pôle emploi affirmait, au printemps, n’avoir été saisi d’aucune réclamation liée à une radiation consécutive à un contrôle.

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de renforcer le contrôle des chômeurs à Pôle Emploi, en augmentant (de 200 à 1 000) le nombre d’agents chargés de ces vérifications.

« Les déclarations de Pierre Gattaz sont très hasardeuses, juge Bertrand Martinot, ex-délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle. On ne peut pas plonger les personnes inscrites à Pôle emploi dans un environnement où le contrôle serait quotidien. En outre, le fait de vérifier que les chômeurs recherchent bien un poste est quelque chose de difficile et de coûteux en moyens humains. » Pour lui, la problématique pourrait n’être qu’« accessoire » si le système était « bien conçu et suffisamment incitatif ». Autrement dit si les modalités et le niveau d’indemnisation ne conduisaient pas certains demandeurs d’emploi à rester au chômage plutôt que de reprendre une activité.