Des ouvriers suivent le discours de Xi Jinping au congrès du Parti communiste, dans le comté de Congjiang, le 18 octobre. / AP

Xi Jinping a abordé le 19e congrès du Parti communiste chinois, le 18 octobre, en position de force : le président est assuré d’être reconduit pour un second mandat. Dans un chat avec les internautes du Monde.fr, notre correspondant à Pékin, Brice Pedroletti, a décrypté les enjeux de ce grand rendez-vous pour la Chine, tant en politique intérieure que sur la scène internationale.

Tata : Qu’est-ce qu’on peut attendre de ce Congrès ?

D’abord, les grandes orientations politiques pour les années à venir. Xi Jinping les a exposées ce matin dans un discours de trois heures et vingt minutes… Il annonce une « nouvelle ère », confirme un recentrage général autour du parti, des valeurs « socialistes », de la culture chinoise. C’est un projet très ambitieux d’expansion internationale, et de modernisation à marche forcée, sans aucune tolérance des voix critiques.

Adrien : Xi Jinping fait-il aujourd’hui consensus parmi les cadres du PCC ou existe-t-il des alternatives ?

Il n’y a pas d’alternative dans le sens où il a tout fait pour consolider son assise politique et accaparer de nombreux leviers du pouvoir. Les voix réformistes au sein du parti ont été muselées. Dire que M. Xi fait consensus, c’est peut-être beaucoup s’avancer, car nombreux sans doute sont ceux qui n’en pensent pas moins… Mais il joue sur la fibre nationaliste, et se présente comme l’homme fort providentiel dans un système qui commençait, selon lui, à se fissurer.

Ailleurs : Est-ce qu’on s’attend à une censure plus sévère d’Internet ?

Oui et non. Il y a un phénomène cyclique de censure à chaque événement important. Mais structurellement, la tendance est bien à plus de contrôle. Donc on aura un relâchement relatif de certaines des nouvelles mesures – WhatsApp va peut-être être de nouveau accessible –, mais globalement cela va continuer à empirer. Notamment sur l’utilisation des VPN, ou réseaux privés virtuels, qui servent à contourner la censure.

Fracture sociale : La Chine compte plus de milliardaires que les Etats Unis. Un socialisme à la chinoise ?

C’est là le fameux « socialisme aux caractéristiques chinoises » de Deng Xiaoping. Les patrons du privé ont été adoubés et accueillis dans le parti sous son successeur, Jiang Zemin. Des fortunes se sont faites, une partie d’entre elles dans un contexte de collusion avec les cadres au pouvoir, qui eux aussi se sont enrichis de manière spectaculaire – ou plutôt leurs familles. Sous Xi Jinping, la lutte anticorruption s’est attaquée à quelques-uns de ces dignitaires enrichis, mais de manière sélective et assez hypocrite, par populisme.

Hugo : Quels sont les grands projets pour les classes moyennes ?

Xi Jinping va continuer à encourager l’évolution du modèle économique en faveur de la consommation, même si les investissements en infrastructures, pourvoyeurs d’emplois, vont rester importants. Il va essayer d’agir sur les prix astronomiques de l’immobilier.

Il va aussi continuer à accompagner l’arrivée des ruraux dans les grandes villes. Sur ce point, il est critiqué pour ne pas en faire assez. Les esprits progressistes en Chine appellent à beaucoup plus d’égalité. Ces derniers mois, Pékin a par exemple été « nettoyée » de ces migrants, des candidats aux classes moyennes qu’on a renvoyés dans leurs campagnes.

Bill : Quel est le point de vue de la population chinoise sur Xi ?

Cela dépend des catégories de gens. Xi Jinping a rehaussé le prestige de la Chine à l’étranger, aussi bien par sa prestance que par ses grandes initiatives. Pour cela, beaucoup de Chinois le respectent. En interne, la lutte anticorruption a été populaire. Mais son côté autoritaire et sa vision extrêmement restrictive des libertés sont aussi vus comme rétrogrades chez les gens les plus éduqués.

Ensuite, certaines des mesures qu’il a imposées ont été assez brutales – les petites gens qui en sont victimes pour une raison ou une autre, car elles perdent leur étal dans une grande ville, ont sans doute du ressentiment à son égard.

Un Français en Chine : Les cadres du parti n’ont-ils pas peur que la jeune génération essaie de se révolter comme celle de Hongkong ?

Ils ont certainement senti cette menace dans les années qui ont précédé l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. De 2008 à 2012, la blogosphère était extrêmement virulente. Partout s’exprimaient de jeunes (ou moins jeunes) tribuns qui avaient des millions de lecteurs, et de manière très critique. Les jeunes générations étaient devenues très politisées – de manière assez naturelle. Mais Xi Jinping a mis fin à ce « printemps de l’Internet ».

Beaucoup ont sans doute été surpris à l’intérieur du parti par la brutalité avec laquelle il a remis au pas la société civile. Elle rappelle de mauvais souvenirs. Pour l’instant, cela tient, toute une partie de la population semble avoir tourné le dos à la politique. Mais la colère gronde. A la moindre faille, par exemple une crise économique, la contestation pourrait revenir de manière très forte. Les aspirations en Chine à plus de participation dans la vie politique, à une presse libre et à une justice indépendante, ne sont pas mortes.

Barbatruc : Xi Jinping va-t-il se positionner sur les énergies renouvelables et l’intelligence artificielle, secteurs où la Chine est en passe de devenir un des leaders sinon le leader mondial ?

Il est certains que ce sont deux priorités. Il a longuement évoqué ce matin les efforts en matière de lutte contre la pollution et le réchauffement climatique. L’intelligence artificielle concentre l’attention du pouvoir, parce qu’il y a des opportunités stratégiques à le développer, et que ce secteur rejoint les besoins chinois en matière de contrôle. La synergie est donc très favorable.

Paul : On a vu le président Macron inviter et ménager Donald Trump. Qu’en est-il des relations avec son homologue chinois ?

Emmanuel Macron va s’inscrire dans la continuité de ses prédécesseurs et maintenir avec la Chine une relation privilégiée. Il a rencontré M. Xi lors de sommets internationaux, mais fera sa première visite en Chine en janvier, en principe.

Il sera intéressant de voir s’il se montre plus ferme que ses prédécesseurs, à la mode d’Angela Merkel, plus exigeante vis-à-vis des Chinois aussi bien en matière d’ouverture économique que de droits de l’homme. C’est la tendance de la part des pays Européens, et M. Macron l’a confirmé quand il a demandé que les investissements chinois en Europe soient davantage passés au crible.

JC : Quel est le point de vue de Xi Jinping sur la Corée du Nord ?

Dès son arrivée au pouvoir, il a affiché une certaine réticence à traiter avec Pyongyang. Il ne s’y est pas rendu. Et en 2014, il a réservé son premier déplacement à l’étranger à la Corée du Sud, ce qui a déplu à Kim Jong-un. Ce dernier n’a en outre jamais été accueilli en Chine. C’est sous Xi Jinping que la Chine s’est en quelque sorte déprise de son alliance avec la Corée du Nord.

Juste après la mort de Kim Jong-il en 2011, la Chine, alors dirigée par Hu Jintao, a tenté de faire avancer ses pions dans la nouvelle direction, à travers, on le sait désormais, Jiang Song-thaek, l’oncle de l’actuel dirigeant. Kim Jong-un a pris cela très mal. Lui aussi est très nationaliste, et antichinois. L’oncle a été liquidé, et dit-on, toute la faction prochinoise du régime fin 2013.

Les essais nucléaires et balistiques de la Corée du Nord sont très embarrassants pour Pékin. Le problème de la Corée du Nord est certainement devenu un test pour Xi Jinping : il va devoir montrer qu’il est à la hauteur du défi et agir en dirigeant de grande puissance. Ce qui comporte des risques. les Chinois doivent plancher sur diverses options, notamment en perspective de la visite de Donald Trump en Chine du 8 au 10 novembre, dont le principal sujet sera la Corée du Nord.