A Clichy-La-Garrenne , une tour de béton fibré et de verre viendra s’adosser à la Maison du Peuple, qui deviendra une antenne du centre national Georges Pompidou. / Duval / Rudy Ricciotti

D’ici à quelques années, la Métropole du Grand Paris comptera, en autres, un quartier zéro carbone, zéro déchet, zéro énergie fossile et fissile à Romainville, dans l’actuelle zone d’aménagement concerté (ZAC) de l’Horloge ; une antenne du centre national George-Pompidou au sein de la Maison du peuple, entièrement restaurée, à Clichy-la-Garenne ; ou encore un vaste pôle de culture, sport et commerces, Les Lumières de Pleyel, à Saint-Denis. Avec l’appel à projets « Inventons La Métropole », lancé au printemps 2016, et dont les 51 lauréats (sur 420 candidatures) ont été dévoilés mercredi 18 octobre, le Grand Paris cherche à s’enrichir de nouveaux pôles d’attractivité.

Certes « Inventons la Métropole » n’a pas « son » projet emblématique, tel « Mille arbres », la réussite majeure du concours Réinventer Paris. Il y a bien quelques audaces architecturales, comme à Clichy-la-Garenne, où l’architecte Rudy Ricciotti a imaginé une tour de trente étages en béton fibré et verre, adossée à la Maison du peuple, pépite du patrimoine datant des années 1930. Une « tour minérale » dont l’exosquelette sera coulé sur place dans un gigantesque sarcophage.

Cependant, les innovations les plus remarquables sont ailleurs. La taille des sites proposés, allant de 800 m2 à 14 ha (pour comparaison le plus grand site de Réinventer Paris faisait 1 ha) permet de réelles innovations urbaines, à l’échelle d’un quartier, intégrant une réflexion approfondie sur les nouveaux usages, l’économie circulaire, la résilience, ou encore la mobilité.

« Ce concours a créé une véritable émulation et attiré l’attention autant sur des territoires en difficulté que sur des sites plus aisés. Les projets, de toutes natures, suivent une vraie logique d’aménagement, en s’intéressant aux usages plus qu’aux fonctionnalités, et avec une approche de l’espace mixant les pratiques, s’enthousiasme Thierry Lajoie, président de Grand Paris Aménagement, qui a proposé cinq sites. Au final, on a de beaux espoirs d’aménagement. »

Sur 15 hectares du Triangle de Gonesse, BSI ambitionne de développer un quartier démonstrateur de l’économie circulaire, notamment  dans le domaine du réemploi de matériaux de construction / Bopro Sustainable Investments

Sur 15 hectares du Triangle de Gonesse, la société belge Bopro Sustainable Investments (BSI), ambitionne de développer un quartier démonstrateur de l’économie circulaire. Comprenant 167 100 m2 de bureaux modulaires, incubateurs, ateliers, espaces de cotravail, et d’équipements et services à destination des actifs (salle de sport, centre de santé, crèche, hébergements temporaires…), le site accueillera des entreprises de la bioéconomie. Et surtout les bâtiments, à énergie positive et bas carbone, seront modifiables, entièrement démontables. Chaque « brique » des édifices, chaque matériau, choisi pour ses performances énergétiques et sa capacité de réemploi, sera tracé et recensé dans une banque de matières premières. La conception circulaire du projet est fondée sur un nouveau rapport au matériau, désormais considéré comme un service, et non plus comme un bien.

Baptisé « Triango », le projet favorisera aussi le développement de la mobilité durable, avec notamment des parcs à vélos, des navettes autonomes électriques, des cheminements piétons ludiques et pratiques, ou encore un service de covoiturage. Et conscient de la tradition agricole de ce territoire, il accordera une place centrale à l’agriculture urbaine high-tech avec le développement de 8 000 m² de cultures en aquaponie à destination de circuits courts alimentaires, et de 2 000 m² de cultures indoor destinés aux tests cosmétiques, pharmaceutiques et textiles.

Le projet « Lab21 » vise le zero carbone, zéro déchet, zéro énergie fossile et fissile, tout en favorisant le retour de la nature et de la biodiversité en ville. / ALSEI

La végétalisation est aussi fortement présente au « Lab21 » — Laboratoire de la transition énergétique et de la croissance durable-, qui s’installera sur 13 447 m2 de la ZAC de l’Horloge, à Romainville. Porté par le promoteur Alsei, l’agence Franc Architecte et le paysagiste Horticulture et jardins, ce projet vise le zéro carbone, zéro déchet, zéro énergie fossile et fissile. Rien que cela ! Tout en favorisant le retour de la nature et de la biodiversité en ville. Mixant logements, espaces de travail collaboratif et un tiers lieu consacré à l’éco-design et à l’alimentation durable, le bâtiment, aux formes classiques, sera édifié avec des matériaux biosourcés et selon des techniques de construction modulables. Il sera coiffé de 1 000 m2 de ferme urbaine en toiture. Sur cette terrasse végétalisée seront aussi installées des serres en bioponie (culture hors sol sur substrat neutre bénéficiant d’apport d’éléments nutritifs par goutte à goutte).

La Compagnie de Phalsbourg propose de faire du quartier du Coteau à Arcueil  au croisement de la A6a et de la A6b un « Ecotone », un lieu entre ville et nature / Compagnie de Phalsbourg

La palme du projet le plus « nature » revient cependant au Coteau, à Arcueil. La Compagnie Phalsbourg, Duncan Lewis Architecture, OXO, Parc Architectes et Triptyque proposent de transformer ce site au croisement de l’A6a et l’A6b, donc exposé au bruit et à la pollution, en un « Ecotone », un lieu entre ville et nature. Biomimétique, le projet s’inspire de la nature, dans toutes ses dimensions. D’un point de vue architectural, il prend la forme d’un immeuble étagé en terrasses et creusé de patios s’inspirant des qualités thermiques et d’usages des habitats naturels, tel que le nid d’oiseau ou la ruche d’abeille. Toitures et façades seront ornées de plantes dépolluantes servant au traitement de l’eau et de l’air. Pour assurer un confort acoustique, la notion d’« épiderme » sera explorée. Pour améliorer les qualités énergétiques du bâtiment, des sources d’énergie renouvelable seront mobilisées et un couvert végétal sera utilisé. Pour mener à bien ce projet, un comité scientifique composé notamment du Centre d’excellence du biomimétisme de Senlis et du Musée d’histoire naturelle accompagnera l’équipe.

Le projet « L’Hospitalité » au Kremlin-Bicêtre développe une nouvelle approche, flexible et modulable, du logement / Altarea Cogedim - Maison Edouard François

Tout en accordant lui aussi une forte importance à la végétalisation, le projet « L’Hospitalité », au Kremlin-Bicêtre, — nom choisi en hommage à un hôpital proche —, plaçant en son cœur l’usage, développe une nouvelle approche, flexible et modulable, de l’habitat. Tous les logements présenteront des possibilités d’évolution. Leur terrasse, d’une surface de 30 à 100 m2, généreusement végétalisée, à l’image d’un vrai jardin, sera pour partie « colonisable ». Sans avoir à déposer un permis de construire, chaque logement pourra ainsi s’étendre sur le jardin-terrasse, avec une pièce supplémentaire de 10 à 20 m2 et ainsi s’adapter aux séquences de la vie d’une famille. En outre, pour répondre aux besoins de tous les acquéreurs, les grands logements pourront être scindés en deux plus petits ou à l’inverse être réunis.

Une partie de la programmation du projet La Grande Coco dans le 20e à Paris évoluera en fonction des usages expérimentés sur le site, avant même son aménagement. / COPEC

Cet accent mis sur les usages conduit aussi de nombreux projets lauréats à développer un urbanisme transitoire sur leur site, avant même d’entamer son aménagement. Sur le site de l’ancienne fabrique de fleurs brodées, au 29 rue du Soleil, dans le 20e arrondissement de Paris, notamment, si une partie des programmes est déterminée (cantine, bureaux, logements), d’autres seront définis au fil de l’occupation progressive du site. Le cabinet d’architectes Des cliques et des Claques et le paysagiste Christophe Père ont délibérément fait le choix d’offrir la possibilité d’ajuster leur projet en fonction des usages expérimentés in situ. Tout au long du projet, des événements conviviaux vont être organisés dans la cour intérieure du site et ouverts aux publics, afin de tester les possibilités du lieu tout en rencontrant de potentiels partenaires locaux.

Urbanisme transitoire ou non, bien des projets lauréats restent à affiner et peuvent encore évoluer. « Sur un certain nombre de sites, des ajustements seront nécessaires, ne cache pas un membre du jury. Parce qu’il n’y a eu que deux tours pour l’examen des dossiers et non trois comme pour Réinventons Paris , il n’a pas été possible de demander aux équipes d’apporter toutes les précisions sur tel ou tel aspect de leur projet. »