La justice française a donné, jeudi 19 octobre, un nouvel avis favorable à l’extradition vers l’Argentine de Mario Sandoval, un ex-policier franco-argentin mis en cause dans la disparition d’un étudiant pendant la dictature (1976-1983).

Cela fait cinq ans que l’Argentine réclame l’extradition de cet homme, installé à Paris depuis 1985 et naturalisé français en 1997, soupçonné d’avoir participé à plus de cinq cents faits de meurtres, tortures et séquestrations, sous les ordres du régime du général Jorge Videla – dont l’enlèvement, le 30 octobre 1976, d’Hernan Abriata, étudiant en architecture qui fut détenu à l’Ecole de mécanique de la marine.

Il est poursuivi à Buenos Aires pour « crimes contre l’humanité, privation de liberté et torture ayant entraîné la mort ». Le dossier Abriata est le seul sur lequel Buenos Aires s’appuie pour demander son extradition, car elle dispose d’une dizaine de dépositions qui l’impliquent. La chambre de l’instruction s’est donc elle aussi appuyée sur ce seul dossier pour rendre son avis favorable. Quelque 5 000 personnes passées par le centre de torture tristement célèbre de la dictature argentine ont disparu, souvent jetées depuis des avions dans le rio de la Plata.

En mai 2014, la cour d’appel de Paris avait émis un premier avis favorable à l’extradition, réclamée par Buenos Aires depuis 2012. Mais en février 2015, la Cour de cassation avait refusé de donner son accord pour un motif lié à la prescription des faits. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles avait alors été désignée pour se prononcer de nouveau sur cette question.

La prescription à nouveau en question

« La seule manière dont on peut dire qu’une disparition suivie d’une séquestration a pris fin, c’est lorsque la personne réapparaît », que « tout ou une partie de son corps est retrouvé » ou si des « témoins attestent de son décès », avait argué l’avocat général Jacques Hossaert à l’audience, le 14 septembre. Or, Hernan Abriata n’a pas reparu ni son corps été retrouvé depuis la fin de la dictature. L’infraction – la séquestration – est par conséquent réputée « continue » et « la prescription » dans ce dossier « toujours pas acquise », avait conclu le magistrat, en ne s’opposant donc pas à la demande d’extradition.

« Il ne faut pas permettre que la justice française devienne le refuge des grands criminels de la seconde moitié du XXe siècle », avait pour sa part plaidé Me Sophie Thonon-Wesfreid, qui défend les intérêts de la République d’Argentine.

Me Bertrand Lampidès, conseil de M. Sandoval, a fait savoir que son client allait « certainement se pourvoir en cassation » et que le débat devant la cour porterait « à nouveau sur la prescription ». Son client, avait-il rappelé le 14 septembre, « nie être le Sandoval de l’accusation argentine ». L’avocat avait également fait part de ses craintes, doutant que Mario Sandoval puisse bénéficier d’un procès équitable dans son pays d’origine.

Exilé en France après la chute de la junte, cet homme aujourd’hui âgé de 64 ans a obtenu la nationalité française en 1997, ce qui n’empêche pas son extradition, car il n’était pas français à l’époque des faits. A la fin du processus, c’est par un décret du premier ministre, susceptible d’être attaqué devant le Conseil d’Etat, que l’extradition peut s’effectuer.