Bruno Le Maire pour les questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 18 octobre 2017. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

« Cette taxe est le plus grand scandale fiscal des quinze dernières années ! » Mardi 17 octobre, 18 h 45. Bruno Le Maire hausse le ton lors du débat sur le projet de loi de finances 2018, à l’Assemblée nationale. La socialiste Valérie Rabault (Tarn-et-Garonne) vient d’accuser le gouvernement de « faire un chèque de 4,5 milliards d’euros » aux contribuables les plus aisés à travers les mesures réformant la fiscalité du capital, dont l’impôt de solidarité sur la fortune. Inacceptable pour le ministre de l’économie.

« Je n’ai aucune leçon de déontologie fiscale à recevoir de la part d’une ancienne majorité qui a institué une taxe sur les dividendes à 3 % qu’elle savait illégale et qu’elle a pourtant votée, la laissant en héritage à la nouvelle majorité », assène M. Le Maire, précisant que l’Etat doit désormais « assumer le remboursement de 9 milliards d’euros ».

La passe d’armes est à la mesure de l’émoi que suscite depuis une semaine ce dossier aussi technique qu’explosif. Invalidée dans sa totalité par le Conseil constitutionnel, le 6 octobre, la taxe à 3 % a été instaurée en 2012 pour remplacer un autre prélèvement sur les dividendes, à l’époque déjà retoqué au niveau européen.

Le commissaire européen aux affaires économiques, Pierre Moscovici, a fait savoir, mardi, qu’il regrettait « a posteriori, forcément », ce dispositif instauré par François Hollande en 2012, alors qu’il était son ministre de l’économie.

Situation ubuesque

L’exécutif, qui l’avait déjà retiré du budget 2018, à la suite d’une décision, en mai, de la Cour de justice de l’Union européenne, pensait pouvoir rembourser très progressivement les entreprises lésées, et seulement sur une partie de cette taxe. Seuls 300 millions d’euros avaient été provisionnés à ce titre pour 2018, et 5,7 milliards sur la durée du quinquennat.

Or, l’ardoise s’avère finalement bien plus élevée. « La fourchette est entre 8 et 10 milliards d’euros, le risque maximum est de 10 milliards », a précisé Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, mercredi, fustigeant l’« amateurisme juridique » de l’exécutif précédent.

L’ardoise de cette taxe invalidée par le conseil constitutionnel se situe entre 8 et 10 milliards d’euros

L’épisode tombe au plus mal pour un gouvernement proentreprises, qui vient de boucler un budget au chausse-pied afin de contenir le déficit public sous les 3 % du produit intérieur brut en 2018 pour se conformer aux règles européennes.

Bercy discute donc d’arrache-pied avec l’Association française des entreprises privées afin de trouver un compromis pour rembourser les groupes concernés. Un étalement des sommes dues, voire une surtaxe temporaire d’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, est envisagé. Autrement dit, il s’agira peut-être de taxer les entreprises afin de rembourser… ces mêmes entreprises.

Une situation ubuesque face à laquelle les intéressées pourraient toutefois se montrer conciliantes, malgré les protestations du Medef. « Personne n’a intérêt à mettre le gouvernement dans un corner, alors qu’il fait des réformes que nous attendons depuis longtemps », confie une source proche du patronat.

Les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), chouchous de la politique économique du gouvernement, devraient être épargnées par la « contribution exceptionnelle » actuellement à l’étude, alors que la moitié des sommes à rembourser iront à treize grands groupes.