Le slameur et poète kanak Paul Wamo. / DR

Il s’appelle Paul Wamo. Il est marseillais kanak. A Marseille, il s’implique dans des projets autour de l’écriture et de l’oralité, a sorti un Ep, Sol, en mai 2016. Il clame de tout son corps sa poésie, éructe les mots, crie et rugit en martelant le sol. Il parle de Jean-Marie Tjibaou, président du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), assassiné, à Ouvéa en 1989 : « Jean-Marie Tjibaou disait : si on ne se montre pas en dansant, on n’existe pas ». Alors Wamo danse et danse encore, il slame et raconte le kanéka, qui a vu le jour dans les années 1980, quand Tjibaou a interpellé les musiciens en leur demandant de « créer une musique qui nous ressemble, dans laquelle on entend nos rythmes. C’est la musique contemporaine kanak : le kanéka ! » lance le poète slameur.

PAUL WAMO - NOIR NOIR (CLIP)
Durée : 02:50

Elle s’appelle Ëda (Eléonore Diaz Arbelaez à l’état civil). Elle est parisienne franco-colombienne. Elle chante et joue de la contrebasse, monte sur scène en annonçant ses couleurs : celles-ci vont «du cœur de la jungle amazonienne aux toits parisiens ». Elle sortira son premier Ep en novembre.

L’un et l’autre se sont produits, avec leurs musiciens, dimanche 15 octobre, au Studio de l’Ermitage, à Paris, en ouverture du concert de Roger Raspail, tambour majeur guadeloupéen, accompagné de ses invités, dont Alain Jean-Marie et Patrice Caratini.

« Musiques du sol »

Paul Wamo et Ëda sont deux des huit finalistes, sélectionnés parmi 80 candidats, du Prix des Musiques d’Ici que lance le festival Villes des Musiques du Monde, fort de ses vingt ans d’activisme culturel citoyen. La dix-huitième édition, qui s’est ouverte ce week-end, se déploiera en Seine-Saint-Denis, à Paris et dans le Grand Paris jusqu’au 12 novembre. Les six autres finalistes se produiront lors de premières parties de concerts prévus dans les semaines à venir. « La notion de Musiques d’Ici , explique Kamel Dafri, directeur artistique du festival, renvoie à celle de « musiques du sol », à des sons et rythmes venus d’ailleurs, portés par des voyageurs, des migrants qui se sont installés en France avec ce bagage culturel et musical ». Ils redessinent de fait, donc enrichissent constamment, le paysage musical de la France.

ËDA - LA CASA EN EL AIRE (Cover Live)
Durée : 03:50

Pensé en direction de ces artistes issus des diasporas, « ce prix entend aussi valoriser et accompagner des artistes français travaillant sur les répertoires musicaux des diasporas qu’ils côtoient. » L’idée étant de mettre en valeur le dynamisme de réseaux culturels et d’artistes « qui échappent aux radars des circuits habituels. Que ce soit au niveau des médias, des salles de musiques actuelles ou de théâtre municipaux. » Après la campagne de communication #AuxSons, appel pour la diversité culturelle et musicale en France, lancée par les professionnels des musiques du monde réunis au sein du réseau Zone franche « pour faire entrer la diversité culturelle et musicale dans les débats des élections présidentielle et législatives », expliquait un communiqué collectif, c’est donc un nouveau plan d’action que lance aujourd’hui le festival Villes des Musiques du Monde, avec peut-être la promesse d’un impact plus tangible.

Le rôle des « passeurs »

Les candidats éligibles au prix ont été repérés dans les régions, par les « capteurs » (professionnels des musiques du monde ou non). Un jury désignera courant novembre les quatre lauréats. Entre alors en jeu le rôle essentiel des « passeurs », les structures professionnelles, festivals, salles de spectacles qui incluront dans leur programmation ces lauréats ou les accueilleront en résidence. Kamel Dafri jubile en évoquant le nombre de passeurs qui ont d’ores et déjà répondu présents, citant plusieurs festivals et salles, l’Institut du Monde Arabe, la Fondation Royaumont et l’Institut Français, qui remettra à l’un des lauréats un Prix de l’Institut français pour une aide à la diffusion dans la zone Afrique.