Umberto Lenzi est mort à Rome le 19 octobre 2017. Il avait 86 ans. / CREATIVE COMMONS

Quelque chose d’un cinéma populaire italien d’une roborative trivialité et qui ne doutait de rien s’est peut-être symboliquement effacé avec la disparition d’Umberto Lenzi. Il fut l’exemple-type, caricatural, de l’artisan sans états d’âme, ni génie particulier, œuvrant au cœur du divertissement cinématographique transalpin, tournant continument en nourrissant les modes commerciales du moment. Umberto Lenzi est mort à Rome le 19 octobre 2017. Il avait 86 ans.

Il était né le 6 aout 1931 à Massa Maritima dans la province de Grosseto en Toscane. Il fait ses études au Centro Sperimentale à Rome dont il sort diplômé en 1956. Il tourne un premier court-métrage I ragazzi di Trastevere avant de commencer une carrière particulièrement prolifique (plus de soixante films). Son premier long métrage Mary La Rousse, femme pirate en 1961 représentatif des derniers feux, brulant jusqu’au milieu des années 1960, d’un cinéma d’aventure à qui des auteurs comme Riccardo Freda ou Vittorio Cottafavi avait donné ses lettres de noblesse. Un genre qu’il continue d’alimenter avec des films comme Le Triomphe de Robin des Bois, Catherine de Russie ou L’Invincible cavalier masqué. On lui doit aussi quelques adaptations des romans d’aventures exotiques d’Emilio Salgari avec Sandokan, le tigre de Bornéo ou Les Pirates de Malaisie. Il n’hésite pas à cet égard à pratiquer des hybridations amusantes comme Maciste contre Zorro, un mélange péplum et cape et épée. Il enchaine avec une série de sous James Bond, (Super 7 appelle le Sphinx, Suspense au Caire pour A008, Des fleurs pour un espion) alimentant un genre massivement produit dans les années 1960 à moindre cout pour spéculer sur le succès de la célèbre série. On appelait cela l’eurospy.

Imitations à vil prix de films à succès

Etonnamment il ne signera que peu de westerns au plus fort de la mode dont l’assez peu baroque Malle de San Antonio en 1967. Lenzi va ensuite systématiquement sacrifier, avec une constance et, peut-être aussi une paresse, remarquables, aux conventions de son temps, réalisant de nombreuses imitations à vil prix de films à succès, exploitant les filons à la mode jusqu’à épuisement. Il signe des films de guerre (Les Chiens verts du désert, La légion des damnés), des giallos, ces thrillers érotiques et angoissants tournés dans la foulée du succès de L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento au début des années 1970 (Gatti rossi in un labirinto di vetro, Le Tueur à l’orchidée), des films policiers violents (Brigade spéciale, Echec au gang, Le Cynique, l’infame, Le Violent), les fameux « polizioteschi ».

Il s’engouffre dans la veine de l’horreur gore, notamment avec ses films de cannibales (dont un assez infamant Cannibal Ferox en 1981) ou de créatures « zombifiés » (L’ Avion de l’apocalypse). Il accompagnera jusque dans sa phase d’agonie ce cinéma de série, réalisant des films de plus en plus fauchés, aux conditions de production de plus en plus dérisoires, avant d’être absorbé, comme la plupart de ses confrères, par la télévision. Umberto Lenzi écrira aussi, sur le tard, quelques romans policiers.

« Paranoïa », « Si douces, si perverses », «  Orgasmo », réalisés à la fin des années 1960, décrivent des univers à la fois fascinants et corrompus

Pourtant, et comme souvent lorsqu’on on examine avec attention les filmographies de ces faiseurs de bandes pour salles de quartier, il n’est pas rare de trouver, au cœur d’une carrière apparemment sans relief, quelques pépites. Dans la carrière de Lenzi ce seront ses thrillers à machination, précédant la vogue du giallo et déclinant à l’infini des récits à tiroir dont les racines vont puiser jusqu’aux Diaboliques de Clouzot. Paranoïa, Si douces, si perverses, Orgasmo, réalisés à la fin des années 1960, décrivent des univers à la fois fascinants et corrompus. L’avidité y voisine avec la peinture de perversions sexuelles en un temps où les censures se relâchaient. Et le regard moralisateur ne cachait une certaine fascination pour les déviances décrites. C’est aussi dans le polar violent qu’il montrera un certain talent, notamment les films mettant en vedette le génial acteur Tomas Milian. Dans Milano Odia-La polizia non puo sparare (La Rançon de la peur)en 1974, celui-ci campe un des plus fous et des plus violents méchant de cinéma, brute amorale et cabotine ne suivant que ses pulsions les plus brutales. Quant à Echec au gang en 1978, où Milian interprète deux rôles et incarne à la fois un titi romain, Monezza (Ordure) et son jumeau, gangster bossu, singulières et admirables figures carnavalesques et prolétariennes, c’est une manière de petit chef d’œuvre.