En se lançant jeudi 19 octobre sur le marché de l’électricité pour les particuliers, la marque d’e-commerce Cdiscount (groupe Casino) arrive sur un secteur de plus en plus encombré.

Depuis la rentrée, le groupe pétrolier Total et le fournisseur de bouteilles de gaz Butagaz se sont mis sur les rangs. Tous prétendent fournir l’électricité à des tarifs plus bas que les tarifs réglementés de vente, pratiqués par EDF. Cdiscount affirme être à - 15 % que ces tarifs, Total à - 10 %, avec une offre « verte ».

Pourtant, alors que la concurrence est ouverte depuis 10 ans dans le secteur de l’électricité, EDF domine toujours totalement le marché, avec 84 % des clients. Surtout, l’arrivée de nouveaux acteurs n’a pas entraîné de baisse de prix significative pour les particuliers.

Pourquoi aucun fournisseur ne casse-t-il les prix ?

Le modèle des télécoms est souvent cité en exemple : dans ce secteur, la concurrence a fait baisser drastiquement les prix des offres. Mais le problème se pose différemment pour l’électricité.

Le prix payé par les consommateurs est en grande partie figé : seul un tiers de la facture peut subir des variations de prix. Un tiers est consacré au coût du transport, un autre tiers à une série de taxes – dont une contribution aux subventions pour les énergies renouvelables. Le dernier tiers – appelé partie « énergie » du prix – dépend des fournisseurs. « On ne peut se battre que sur un tiers du prix ! », se défendait ainsi Patrick Pouyanné, PDG de Total, qui reconnaissait en septembre qu’il aurait aimé proposer des prix bien plus bas pour le lancement de Total Spring.

Les baisses annoncées par les opérateurs dans leurs offres ne concernent donc pas l’ensemble de la facture des consommateurs. D’autant que certains services mis en avant dans les nouvelles offres sont simplement des obligations légales, comme la possibilité de rompre un contrat à tout moment.

Autre sujet de préoccupation pour le futur : les tarifs proposés par les nouveaux entrants sont comparés aux tarifs réglementés, qui sont mis en cause par la Commission européenne et par certains concurrents d’EDF. Le ministre de l’écologie, Nicolas Hulot, a admis cet été qu’à un moment ou un autre, la France devrait renoncer à ces tarifs. « La fin à venir des tarifs réglementés augmentera les prix à terme pour les consommateurs », estime Cédric Musso, directeur de l’action politique à l’UFC-Que choisir.

Enfin, les tarifs sur le marché de gros, sur lequel se fournissent les fournisseurs, sont orientés à la hausse, et les offres devraient s’en ressentir sur le moyen terme.

Les prix vont-ils baisser ?

« Il n’y a pas de raison de penser que les prix vont baisser de manière significative », estime Cédric Musso. L’UFC-Que choisir a de nouveau lancé en 2017 une campagne d’achat groupé d’énergie. Plus de 220 000 consommateurs se sont inscrits et c’est l’italien ENI qui l’a emporté avec une offre inférieure de 9 % aux tarifs réglementés, avec un engagement à ne pas modifier les tarifs sur deux ans.

Mais l’association de consommateurs a aussi lancé un appel à des petits fournisseurs locaux et écologiques, que le fournisseur EkWateur a remporté avec un tarif défiant toute concurrence : entre - 17 % et - 20 % par rapport aux tarifs réglementés. Seul bémol, ce tarif préférentiel ne pourra être servi qu’à 25 000 clients.

« Cette démarche répond à une finalité politique qui est de dynamiser la concurrence », explique-t-on chez l’UFC-Que choisir, où l’on estime que les fournisseurs pourraient faire un effort supplémentaire, tant sur les prix que sur la transparence. De fait, les offres lancées depuis l’été s’alignent peu ou prou sur cette baisse de tarifs.

« Cette initiative a eu un impact important sur le marché », note-t-on du côté de la Commission de régulation de l’énergie.

Les offres « vertes » sont-elles si vertes ?

Les fournisseurs se targuent tous de proposer des offres d’« électricité verte » provenant d’énergies renouvelables. Mais cette promesse est souvent indirecte. Concrètement, l’électricité qui arrive au consommateur n’est pas produite directement par des éoliennes, des barrages ou des panneaux solaires.

Les fournisseurs rachètent l’équivalent de la consommation d’électricité par de l’énergie d’origine renouvelable, grâce à l’achat de certificats de garanties d’origine. Et rien ne garantit que cette compensation concerne le marché français, la réinjection pouvant être faite au niveau européen.

Seuls quelques acteurs de taille plus modeste, comme la coopérative Enercoop, certifient que leur électricité provient intégralement ou en partie de renouvelables. « Il y a encore beaucoup de pédagogie à faire sur ce sujet », estime-t-on chez l’UFC-Que choisir.