Le milliardaire Andrej Babis, a largement remporté les élections législatives, le 21 octobre 2017. / DAVID W CERNY / REUTERS

Qualifié de « Trump tchèque », le mouvement populiste ANO du milliardaire Andrej Babis, a largement remporté les élections législatives, selon les résultats officiels quasiment définitifs, après le dépouillement de 99,7% des bureaux de vote. Le scrutin, qui s’est déroulé sans incident vendredi 20 octobre et samedi, était marqué un climat de méfiance des Tchèques vis à vis de leur classe politique et des « ordres de Bruxelles ».

L’autre fait marquant de ce scrutin aura été une percée spectaculaire du parti d’extrême droite SPD, anti-immigration et anti-UE, et celle d’une formation « anti-système », le Parti Pirate. ANO (« Oui » en tchèque), qui a fait campagne sur la lutte contre la corruption, contre l’accueil des migrants et la zone euro, obtient 29,7 % des voix, ce qui devrait lui donner 78 sièges à la chambre basse qui en compte 200. L’ANO est suivi par trois partis ayant obtenu des résultats presque identiques l’ODS (droite), 11,3 %, le Parti Pirate, 10,8 %, et le SPD (extrême droite) 10,7 %.

Il reste, d’après les résultats communiqués par l’Office des statistiques du ministère de l’intérieur, que près d’un électeur sur trois a donné sa voix au milliardaire controversé qui a réitéré à la veille du vote son hostilité à l’accueil des migrants et à la zone euro, sans pour autant prôner la sortie de l’UE. Membre de l’Union européenne depuis 2004, la République tchèque a conservé sa monnaie nationale, la couronne.

Coalition délicate

Il sera ainsi obligé de former une coalition, une opération délicate dans une chambre fragmentée entre neuf partis. Deux d’entre eux, l’ODS (droite eurosceptique) et KDU-CSL (chrétien-démocrate) ont immédiatement annoncé qu’ils ne négocieraient pas avec M. Babis.

Le chef du premier, Petr Fiala, a affirmé qu’il y avait chez ANO « des gens qui ont promis beaucoup de choses et qui ne seront pas capables de les réaliser », tandis que le leader chrétien démocrate Pavel Belobradek, a dit qu’il n’irait pas « dans un gouvernement, s’il s’y trouve des gens poursuivis par la justice », dans une allusion aux ennuis de M. Babis avec la justice.

Bien qu’il soit milliardaire, et qu’il soit inculpé pour fraude aux subventions européennes, M. Babis est porteurs d’espoirs pour ceux qui se considèrent comme les laissés pour compte de la prospère société tchèque.

En dépit de la bonne marche de l’économie, qui a affiché un taux de chômage de 3,8% en septembre et prévoit une croissance de 3,6 % cette année, il y a au sein de la société tchèque des groupes sociaux relativement défavorisés qui sont soit lourdement endettés, soit doivent travailler très dur pour joindre les deux bouts, accusant les élites politiques traditionnelles d’en être responsables. Bon nombre d’entre eux soutiennent M. Babis.

Le parti au pouvoir sanctionné

Les Tchèques ont par ailleurs durement sanctionné le Parti social-démocrate CSSD du premier ministre sortant Bohuslav Sobotka qui subit une chute brutale et n’arrive que 6e, avec 7,3 % des voix.

M. Sobotka, le représentant du parti, n’a pas caché son désarroi aux journalistes présents au QG de son parti. « Comment est-il possible qu’en République Tchèque, quand le pays se porte fort bien, quand nous sommes un pays stable et sûr, et nous avons fait de nombreux progrès dans le domaine social ces quatre dernières années, les gens sont de plus en plus attirés par des opinions extrêmes ? », s’est-il demandé.

Plus tôt dans la journée, il s’est dit inquiet aussi de l’évolution que des « extrémistes » peuvent imposer au pays dans ses relations avec l’Union européenne et l’Otan.