Le onze du PSG avant le début du match de C1 contre Anderlecht, merdredi 18 octobre à Bruxelles AFP/ Emmanuel DUNAND / EMMANUEL DUNAND / AFP

Lycée Nord, 12 h 15, l’heure de la sortie de la mi-journée. Sur le parvis qui surplombe Marseille et sa rade, dans ce 15e arrondissement adossé au port industriel, le flot des élèves ressemble à un tour final de Ligue des champions. Les survêtements des grands clubs européens défilent. Bayern Munich, Real Madrid, Barcelone, Milan AC, Chelsea… Au milieu de ce gratin, on repère quelques vestes et pantalons bleu azur siglés Olympique de Marseille. Mais aussi une tenue complète du Paris-Saint-Germain fièrement portée au cœur de la foule.

Phénomène impensable il y a encore quelques années, surtout à moins d’une semaine d’un choc OM-PSG prévu au Stade-Vélodrome dimanche 22 octobre. « Je supporte le PSG depuis que les Qataris y sont parce que j’aime le projet, assume tranquillement Yannick Belamri, élève en terminale ES. Faire venir des stars du foot, des Neymar, des Mbappé, avoir des fans dans le monde entier, c’est génial. » Sous la veste de survêtement grise, le lycéen dévoile un maillot rouge floqué « Paris ». Le tout lui a coûté 130 euros. « Personne ne m’a fait de réflexion, ni ici ni au quartier », assure l’adolescent, originaire – « comme Zidane », précise-t-il – de la cité de la Castellane, toute proche. Son copain, M’Hamed, venu lui de la cité Consolat, le traite en riant d’« hypocrite », mais « Yaya » insiste : « Je suis marseillais, j’aime beaucoup l’OM… Mais le PSG ne joue pas le même football. »

Des clubs amateurs de Marseille ont interdit les maillots parisiens aux entraînements

A Marseille, Yannick, le lycéen de la Castellane, n’a rien d’un cas à part. Le nouvel impact mondial du Paris-Saint-Germain n’a pas épargné le Vieux-Port. La rivalité historique entre l’OM et le PSG – et la méfiance partagée entre leurs deux villes – ne suffit plus à endiguer le tsunami économico-médiatique Neymar. « On voit de plus en plus de maillots du PSG en ville », confirme, la rage au ventre, René Maleville. Ce supporteur historique de l’OM, devenu star des réseaux sociaux par ses chroniques enflammées, a été lui-même confronté au phénomène. « Un copain de mon petit-fils est monté dans ma voiture avec !, s’étrangle-t-il. J’étais dans une colère noire. » Certains clubs amateurs, comme l’ASC Vivaux Sauvagère (10earrondis­sement), ont même dû interdire le port du maillot parisien pendant leurs entraînements. « Je suis marseillais, supporteur de l’OM, et j’ai signé un contrat de partenariat avec l’Olympique de Marseille… Trois bonnes raisons pour ne pas laisser mes joueurs porter les couleurs de Paris, décrète le président Omar Keddadouche. En début de saison, on leur donne un kit complet pour s’entraîner, ce n’est pas pour qu’ils aillent acheter un maillot du PSG à 80 euros. »

« Neymar, ce superhéros »

Rappeur sous le pseudonyme de Muge Knight et pilier de la websérie 36-15 Marseille consacrée à l’OM, Mickaël Safrani voit, lui, deux explications, avec l’expérience de ses 41 ans. « Les nouvelles générations n’ont pas connu l’OM flamboyant de notre jeunesse. Ils aiment les superhéros, et Neymar, pour eux, c’est ça. » « Cela peut aussi traduire une certaine fracture de la société marseillaise, poursuit-il avec pruden­ce. Aujour­d’hui, les jeunes des cités se sentent peut-être plus proches d’un gars de la banlieue parisienne que d’un Marseillais d’un autre quartier. Comme quand nous allions jouer à Mantes-la-Jolie dans les années 2000. A l’époque, les maillots de l’OM étaient partout. Comme pour dire : nous sommes tellement exclus qu’on préfère supporter une autre ville. »

A l’approche de la 92e confrontation entre les deux clubs, pas de méprise. Les supporteurs marseillais seront bien derrière les joueurs de Rudi Garcia contre l’ennemi historique. Même s’ils rêvaient d’un mercato plus clinquant, malgré les 118 millions d’euros déjà investis depuis l’arrivée de l’Américain Frank McCourt, et d’un début de championnat plus enflammé. Le choc entre le leader et le quatrième de Ligue 1 se jouera devant plus de 65 000 spectateurs, dont 32 861 abonnés.

« Les Marseillais s’indignent de voir le PSG déréguler le marché du football avec l’argent d’un Etat souverain comme le Qatar, analyse Jean-Claude Leblois, journaliste à La Provence et suiveur attitré de l’OM. Mais, forcément, ils se comparent et rêvent de ce qui se passerait, ici, avec un investisseur de cette taille. » Dans ce domaine, la douleur de la claque reçue l’an dernier en championnat (1-5 au Vélodrome) irrite presque autant que l’éclatante supériorité du club parisien dans le domaine des transferts. « Désormais, avant les matchs contre le PSG, on entend : “Combien on va en prendre ?”», conclut le reporter.