Des milliers de Maltais sont descendus dans les rues dimanche 22 octobre après l’assassinat de la journaliste et blogueuse anticorruption Daphne Caruana Galizia. / DARRIN ZAMMIT LUPI / REUTERS

Des milliers de Maltais sont descendus dans les rues dimanche 22 octobre pour marquer leur désir d’unité après l’assassinat de la journaliste et blogueuse anticorruption Daphne Caruana Galizia, dans un pays marqué par des fractures partisanes ancestrales.

A la fin de la manifestation dans les rues de la capitale La Valette, la présidente de l’archipel Marie-Louise Coleiro Preca a reçu les organisateurs. Ceux-ci devaient lui remettre un texte présentant leurs inquiétudes et leurs demandes. Parmi leurs exigences figurent les démissions du responsable de la police et du procureur général.

« Je demande à la présidente de faire usage de ses pouvoirs pour nous de sortir de cette crise », a lancé l’un d’eux pendant un discours. « Nous voulons la justice, nous vivons une crise institutionnelle, le pays a peur, Malte est sous la coupe de tyrans qui font ce qu’ils veulent », a-t-il dénoncé.

« Daphne n’a pas été tuée parce qu’elle mentait. Elle n’a pas été tuée parce qu’elle offensait quelqu’un avec ses mots », a affirmé Manuel Delia, un blogueur. « Ella a été tuée parce qu’elle avait découvert le mal qui a affaibli ce pays où règne la cupidité et où la justice a laissé la place au désir d’argent à tout prix. »

Demande de démissions

Tous issus de la société civile, les organisateurs du rassemblement avaient donné pour consigne de venir avec un drapeau maltais, sans aucun signe d’appartenance politique, et interdit aux élus de prendre la parole.

« Les journalistes ne seront pas réduits au silence », « Nous n’avons pas peur » ou encore « Il y a des escrocs partout », pouvait-on lire sur les pancartes brandies dans le cortège de la City Gate, l’entrée principale de la ville.

Fleurs, bougies et messages s’amoncellent devant un autel improvisé en face du palais de justice de La Valette. / DARRIN ZAMMIT LUPI / REUTERS

« Les autorités ont du sang sur les mains, on ne peut pas continuer à vivre dans un pays comme celui-là. Nous sommes en colère que cela soit arrivé à Daphne mais cela pourrait arriver à n’importe qui », a déclaré Francesca Aquilina, présente parmi les manifestants. Pour Massimo Abela, il n’y aura pas de justice sans démissions. « Quelqu’un doit assumer la responsabilité de ce qui s’est passé », a-t-il affirmé.

Exceptionnellement ce dimanche, tous les journaux maltais, y compris ceux émanant des partis politiques, devaient publier la même « Une » frappée du slogan : « Le stylo plus fort que la peur ».

Politique polarisée

Souvent qualifiée de « Wikileaks à elle toute seule », Mme Caruana Galizia, 53 ans, avait révélé certains des pans les plus sombres de la politique maltaise. Le gouvernement assure que tout sera fait pour retrouver auteurs et commanditaires de l’assassinat. Samedi, il a offert une récompense d’un million d’euros pour toute information.

En attendant, fleurs, bougies et messages s’amoncellent devant un autel improvisé en face du palais de justice de La Valette. « Voir monter la protestation nous fait prendre conscience des combats qui ont été menés pour préserver la démocratie », explique Geraldine Spiteri, une avocate venue rendre hommage à la journaliste assassinée. « A Malte, les gens politisent tout », ajoute-t-elle, évoquant « une mentalité tribale profondément enracinée ».

Depuis longtemps, la vie politique maltaise est polarisée entre les travaillistes (centre gauche) au pouvoir depuis 2013 et les nationalistes (centre droit).

La loyauté au parti est souvent familiale. C’est d’ailleurs au sein même des familles, souvent autour d’un repas, que les militants se rendent pendant les campagnes électorales pour encourager la participation. Et avec ces votes quasi-assurés, la volonté de marquer des points face à l’adversaire prend parfois le pas sur la sauvegarde des institutions. Dans ce contexte, l’assassinat de Mme Caruana Galizia exacerbe les querelles partisanes.