Les moins de 12 ans ne représentent que 2 % des mineurs isolés, qui choisissent souvent d’émigrer seuls et ont majoritairement plus de 16 ans. / DENIS CHARLET / AFP

Ils étaient environ 2 000 dans la « jungle » de Calais avant que celle-ci ne soit démantelée, le 24 octobre 2016. Les mineurs isolés étrangers, désormais appelés « mineurs non accompagnés », sont des enfants âgés de moins de 18 ans, qui arrivent en France sans leurs parents et sans adulte titulaire de l’autorité parentale.

En 2016, leur sort avait particulièrement mobilisé les associations, qui s’inquiétaient de leur devenir alors que ces jeunes n’étaient pas éligibles au dispositif des centres d’accueil et d’orientation (CAO), dans lesquels les 7 400 migrants de Calais avaient été répartis. Leur situation avait mis en lumière celle de milliers d’autres enfants, dont le nombre croît en France depuis plusieurs années.

Que sont devenus les mineurs non accompagnés de Calais ?

Dans l’urgence, le gouvernement avait créé, en octobre 2016, plus de 70 centres d’accueil et d’orientation pour mineurs (Caomi) pour les près de 2 000 mineurs de la « lande » de Calais. Il ne s’agissait toutefois que de structures temporaires, gérées par l’Etat. La quasi-totalité de ces centres a fermé en juillet. Des structures dans lesquelles le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a récemment pointé l’absence de professionnels compétents pour gérer la situation des enfants.

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D’après un rapport d’information du Sénat, sur les 1 922 jeunes accueillis – dont 151 filles –, 1 764 avaient quitté les Caomi à la mi-avril. Plus de 500 ont pu partir au Royaume-Uni ou en Irlande (800 au total sur tous ceux qui étaient à Calais), 194 ont été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), et plus de 330 ont été « évalués » majeurs. Quant aux 700 autres, ils avaient pris la fuite et n’ont pas été pris en charge.

Qui sont-ils et combien sont-ils en France ?

Selon les dernières statistiques de la mission « mineurs non accompagnés » créée en 2013, la majeure partie des mineurs entrés dans le dispositif de protection de l’enfance en 2016 a entre 15 et 18 ans. Près de 95 % sont des garçons, dont 75 % auraient choisi seuls de migrer. Plus de 70 % d’entre eux viennent d’Afrique, principalement d’Afrique de l’Ouest (44 %).

Si l’arrivée de migrants mineurs est un phénomène constaté depuis la fin des années 1990, elle a pris une ampleur considérable ces dernières années. En 2005, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales estimait qu’ils étaient 2 500 à être pris en charge par les services de l’ASE. En 2010, un rapport parlementaire avançait un chiffre compris entre 4 000 et 8 000.

En 2016, ils étaient 13 008, soit 27,6 % de plus qu’en 2015, selon le rapport annuel d’activité 2016 de la mission « mineurs non accompagnés ». En juin 2017, le nombre de mineurs isolés pris en charge par les services français s’élevait à 18 000, et pourrait dépasser les 25 000 à la fin de l’année.

Toutefois, ces chiffres sont sous-évalués puisqu’ils ne concernent pas les jeunes dont les démarches sont en cours et qui n’ont pas encore été reconnus comme mineurs, ou ceux qui n’ont pas fait l’objet d’une prise en charge.

Pourquoi la situation des mineurs isolés est-elle particulière ?

Les migrants mineurs n’ont aucun statut juridique, mais contrairement aux adultes, ils ne relèvent pas seulement du droit des étrangers : ils dépendent aussi – et surtout – du droit de l’enfant. En vertu de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 et du Code de l’action sociale et des familles, les mineurs étrangers ont les mêmes droits qu’un enfant français en danger.

Les mineurs ne sont pas soumis aux règles françaises de séjour des étrangers

En tant que mineurs, ils sont pris en charge dans le cadre du dispositif français de la protection de l’enfance, qui ne pose aucune exigence de nationalité. Et c’est bien tout l’enjeu de la reconnaissance de leur minorité : les mineurs ne sont pas soumis aux règles françaises de séjour des étrangers.

Il n’y a pas d’exigence quant à la régularité de leur entrée ou de leur séjour, et ils ne peuvent pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement (alors que les familles avec enfants peuvent en faire l’objet).

Comment s’organise leur accueil ?

Depuis la décentralisation, la protection de l’enfance est confiée aux départements, qui assurent la prise en charge des mineurs non accompagnés. Les services d’Aide sociale à l’enfance accueillent ces jeunes pour une durée provisoire de cinq jours, qui doit leur permettre « d’évaluer leur situation ».

L’objectif : établir, sur la base d’entretiens, s’ils sont effectivement mineurs – rares sont ceux qui disposent de papiers –, pour pouvoir décider de leur prise en charge et notamment de leur hébergement. Les moins de 16 ans peuvent ensuite s’inscrire à l’école, et tous ceux pris en charge par l’ASE ont droit à la couverture maladie universelle (CMU), qui donne un meilleur accès aux soins que l’aide médicale d’Etat (AME) dédiée aux étrangers en situation irrégulière.

En 2016, l’Assemblée des départements de France estimait le coût de la prise en charge des mineurs isolés à 1 milliard d’euros, dont l’Etat ne couvre que 10 %. Le premier ministre, Edouard Philippe, a souligné le 20 octobre que le gouvernement avait prévu 132 millions d’euros supplémentaires dans le budget 2018 pour faire face aux surcoûts engendrés par la hausse du nombre de mineurs isolés.